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Un coup dur pour l’aéroport Jean-Lesage

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Au cours d’une téléconférence tenue hier après-midi, le vice-président Marketing et communication de WestJet, M. Richard Bartrem a confirmé que la compagnie mettait fin à sa liaison Québec-Montréal au mois d’octobre prochain. M. Bartrem justifie la décision par le fait que WestJet a un surplus de capacité sur son réseau et qu’elle a encaissé une perte de 20 M$ au dernier trimestre. Bien que le taux d’occupation nécessaire pour rentabiliser un Q400 soit aux environs de 55% à 60%, WestJet considère que la liaison Montréal-Québec n’offrait pas suffisamment de perspective de rentabilité pour justifier son maintien. Afin de retrouver la rentabilité à court terme, WestJet a donc mis un terme à ses liaisons les moins rentables partout au Canada.

 

L’annonce du retrait de la liaison Québec-Montréal par Westjet aura très certainement un impact négatif sur le développement futur de l’aéroport Jean-Lesage. Afin de bien comprendre, nous avons regardé et analysé les statistiques disponibles pour cet aéroport. Les chiffres de fréquentation que nous vous présentons sont extraits des suivants de Satistique Canada :

  • tableau 23-10-0253-01 intitulé Trafic aérien de passagers aux aéroports canadiens, annuel
  • tableau 23-10-0257-01 intitulé Origine et destination des passagers aériens, trajets transfrontaliers de voyages internationaux, total des passagers sortants et entrants dépassant 1000 en nombre annuel.

 

 

Notez aussi que Statistique Canada ne compte que les passagers payants alors que les aéroports canadiens comptabilisent les passagers payants et non payants, dans leurs statistiques (par passagers non payants, on entend les enfants de moins de 2 ans et les membres d’équipage en déplacement). Il y a donc une différence entre les chiffres publiés par les aéroports et ceux de Statistique Canada ; en 2017 cet écart représentait 5% pour Montréal-Trudeau et 3% pour Jean-Lesage. Il est normal pour un aéroport de comptabiliser les passagers payants et non payants, car ils ont un impact sur la capacité d’accueil qu’elles doivent fournir. Puisque Statistique Canada offre un plus grand nombre d’information, nous avons choisi d’utiliser ses chiffres.

 

Pour nos trois premiers tableaux, nous avons utilisé l’enquête de Statistique Canada porte sur les passagers embarqués et débarqués à l’aéroport sans égard à leur destination finale. Par exemple : un passager qui embarque dans un avion à Québec avec une escale à Toronto vers sa destination finale de San Diego aux États-Unis sera considéré comme un passager embarqué sur un vol intérieur à Québec et comme passager embarqué sur un vol transfrontalier à Toronto.

 

Allons-y avec le premier tableau sur le nombre total de passagers par secteur ayant transité par Québec de 2008 à 2017

Croissance du nombre de passagers à YQB 2008-2017
Croissance du nombre de passagers à YQB 2008-2017

Comme le démontre ce tableau, au cours des dix dernières années, Québec a connu une croissance continue du nombre total de passagers. Mais quand on considère les données par secteur on remarque que c’est le secteur intérieur qui a généré la presque totalité de la croissance des dix dernières années. Alors que le secteur international ainsi que le transfrontalier sont revenus presque au même volume de passagers qu’en 2008 après avoir connu une bonne croissance jusqu’en 2012-2013.

 

Les deux prochains tableaux permettent de constater la part grandissante du secteur intérieur sur le nombre total de passagers à Québec.

 

Proportion des secteurs YQB 2008
Proportion des secteurs YQB 2008
Proportion des secteurs YQB 2017
Proportion des secteurs YQB 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 2017, presque 3 passagers sur quatre à l’aéroport de Québec voyageaient sur des vols intérieurs.

 

Statistique Canada ne donne plus de détail sur l’origine et la destination des passagers sur les vols intérieurs ou les vols internationaux. Par contre elle publie encore les résultats de son enquête sur l’origine et la destination des passagers du secteur transfrontalier. Cette enquête porte donc sur la destination finale des passagers plutôt que le prochain aéroport. Ainsi un passager au départ de Québec qui fait escale à Montréal pour ensuite se diriger à Boston sera comptabilisé dans la liaison Québec-Boston. Cette enquête est très utile afin de connaître le potentiel d’une liaison. Par contre, les dernières données disponibles sont celles de 2016.

 

Nous avons fait un tableau des 20 liaisons avec des villes américaines ayant le plus grand volume de passagers en 2016 et nous avons comparé avec le volume de passagers de 2008.*

 

YQB 20 villes américaines avec le plus de passagers
YQB 20 villes américaines avec le plus de passagers

 

Ce tableau nous apporte une surprise de taille puisque pour les 20 villes américaines ayant le plus de passagers à destination ou au départ de Québec l’augmentation a été de 97% en neuf ans. Les trois villes qui ont connu la grande augmentation sont des villes qui ont une liaison directe avec Québec et cela aurait dû se refléter dans les statistiques de passagers transfrontaliers de l’aéroport de Québec. Cela revient tout simplement à dire que les passagers à destination ou au départ de Québec optent de plus en plus pour un itinéraire avec escale plutôt qu’avec un vol direct.

 

Ce que le dernier tableau nous illustre également, c’est qu’il est très difficile de convaincre les compagnies aériennes d’ouvrir de nouvelles liaisons à faible densité. Dans le cas des trois grandes compagnies aériennes, il faut aussi prendre en considération que les conventions collectives avec les pilotes limitent le nombre d’avions régionaux qu’elles peuvent exploiter; la limitation du nombre d’avions fait en sorte qu’en matière de transport aérien régional aux USA, la demande surpasse largement l’offre. Les trois grandes compagnies aériennes américaines ne desservent donc que les destinations régionales les plus rentables. Aux États-Unis les villes de 1 million d’habitants doivent offrir beaucoup d’incitatifs financiers et fiscaux pour obtenir une liaison.

 

À long terme, la décision de Westjet ralentira la croissance de Québec, car elle met sur pied un partenariat avec Delta qui aurait offert une nouvelle option vers certaines villes américaines au départ de Québec en passant par Montréal. Le fait que WestJet  mette un terme aux quatre vols quotidiens entre Québec et Montréal illustre la difficulté pour un transporteur aérien de rentabiliser une liaison à faible densité, car elle aurait certainement réduit à deux vols par jour si cela avait été rentable de la faire.

 

Au cours des dernières années, la direction de l’aéroport de Québec a mis beaucoup d’emphase sur le développement de nouvelles liaisons vers les États-Unis, mais comme on peut le constater les résultats pour les liaisons directes des 10 dernières années ne sont pas très encourageants. Le développement d’un aéroport comme celui de Québec passe d’abord par le trafic régional. Ce n’est qu’une fois qu’il y aura beaucoup plus de passagers qu’il n’en faut pour garantir la rentabilité des liaisons américaines que les compagnies vont se décider à ajouter des liaisons, pas avant.

 

Les volumes de passagers qui figurent sur le tableau, permettent de rentabiliser cinq à sept destinations américaines tout au plus alors qu’elles sont déjà presque toutes exploités, laissant peu de potentiel de croissance à court terme. Investir encore dans les installations du terminal afin d’attirer la clientèle américaine ne garantit en rien que les compagnies vont se décider à offrir de nouvelles liaisons. Par contre, investir afin de développer des liaisons vers les autres villes canadiennes a plus de chance de donner des résultats si l’on se fie aux données des 10 dernières années.

 

*Voici le tableau avec les chiffres sur le nombre de passagers par secteurs à YQB de 2008 à 2017 .

Le tableau des passagrs YQB 2008 2017
Le tableau des passagrs YQB 2008 2017
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13 avis sur “Un coup dur pour l’aéroport Jean-Lesage

  • Pourtant Air Canada a maintenant une dizaine de liaisons par jour entre Montréal et Québec.

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    • André Allard

      Justement, le retrait de WestJet représente 10% des vols quotidiens à YQB. L’absence de concurrence risque de faire augmenter les prix et de diminuer le nombre de passagers.

      La direction de l’aéroport de Québec veut construire un centre de pré-dédouannement à grand frais alors qu’il n’y a pas de volume pour cela et que comme tu le mentionnes, ce sont les vols YUL-YQB qui constitue la clientèle de base de cet aéroport.

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    • Air Canada a toujours eu de 10 a 15 vols par jour entre Quebec et Montreal depuis que je travaillle a YQB depuis 2001

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  • BernardP

    Ces données n’augurent rien de bon pour le futur centre de pré-dédouanement américain, dont les dépenses seront à la charge de l’aéroport de Québec. Est-ce que ce projet pourrait être remis en question?

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    • André Allard

      Si tu demande la questions aux compagnies aériennes qui desservent Québec, la réponse est très clairement non au centre de pré-dédouanement

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  • andre gagnon

    maintenant je me demande pourquoi l aeroport de quebec mais tout l argent dans l international quand la pluspart des passagers voyage a l interieur du pays .

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  • BernardP

    Ma perception est que l’Aéroport de Québec a tellement de revenus qu’ils ne savent plus quoi faire avec leur argent… à part la rémunération des dirigeants… nul doute validée par des consultants externes.

    L’Aéroport a réalisé de vastes développements d’infrastructures en espérant que ceux-ci stimuleraient la demande. Or c’est plutôt la tarification élevée de l’aéroport qui est source de plaintes des transporteurs.

    Lors de mon dernier passage à l’aéroport de Québec, au mois de mai, j’ai été estomaqué de voir la désolation qui règne dans l’immense nouvelle section. J’ai marché jusqu’au bout, et Il n’y avait pas un chat, sauf le concierge qui faisait le tour des toilettes. On se serait cru à Mirabel.

    Je comprend que cettte nouvelle section n’est utilisée essentiellement que pour les vols nolisés de Transat et Sunwing.

    Ça me fait penser aux villes qui créent de vastes parcs industriels pour attirer les entreprises. Ça parait bien, mais ça n’attire personne, car on fonctionne à l’envers. Ce n’est qu’après avoir attiré des entreprises qu’on devrait en parallèle aménager des parc industriels.

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    • Gros Minet

      Votre raisonnement est incorrecte. Il faut bâtir un aéroport d’abord, en tout cas en Amérique du Nord, pour attirer les gens d’affaires. Ça prend des vols directs en fréquence le plus élevé possible vers les grands hubs nord-américain pour avoir une chance d’attirer ces gens-là ou à tout le moins garder ceux qui y sont déjà. La stratégie avec le centre de pré-dédouanement est justement ça. Attirer des vols vers des grands hubs d’AduN. Je suppose qu’ils ont fait un sondage ou étude de marché pour comprendre ça.

      Pour ce qui est de la gestion, je suis pas mal certain que ça se torche avec l’argent accumuler grâce aux tarifs exorbitants d’atterrissage. Il n’y a pas de doute là-dessus.

      Secondo, les vols nolisés sont un autre bon filon parce qu’il y a pas mal de monde au nord de Québec qui en on assez de se taper 4-6 heures de routes pour aller à MTL. En passant, ces vols fonctionnent bien surtout en hiver.

      YQB aura toujours de la difficulté à rivaliser contre YUL et YYZ. C’est pas compliqué, c’est la géographie et la démographie qui parle dans ce cas-ci.
      Peut-être que leur tarifs d’atterrissage exorbitants va leur permettre de payer au plus vite leur agrandissement et ainsi baisser les prix et être compétitif dans un avenir moyen. Je crois qu’ils y ont mis plus de $200 millions.

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      • André Allard

        La clientèle d’affaires est effectivement le pain et le beurre des transporteurs traditionnels, le problème c’est qu’il n’y en a pas assez pour de nouvelles routes directs à partir de Québec.

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      • Bernard

        Les tarifs à Québec sont les plus élevés au Canada, et les vols deviennent à perte quand il y a de-ice. C’est pas étonnant que les compagnies retirent leur vols.. Et je crois pas que l’aéroport nage dans l’argent puisqu’ils peinent à rembourser leurs énormes rénovations avec le peu de vol offerts. Et maintenant, avec l’augmentation des vols à ymx, je suis pas mal sur qu’il y a plus de traffic à mirabel qu’à Quebec!

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  • Luc Baillargeon

    Personnellement je voyage beaucoup à l’intérieur du Canada, lorsque les vols sont disponibles je choisis Québec au lieu de Montréal (je demeure à Victoriaville). Tout est plus agréable.
    Je suis surpris que personne ne mentionne l’arrivée du syndicat chez les agents de WestJet comme raison du retrait de plusieurs vols un peu partout. On a vu des réactions patronales comme ça auparavant. En cas de grève ce sera plus facile d’assurer le service s’il y a moins de vols à servir.
    Bref je souhaite que notre aéroport à Québec s’en sorte pour le mieux.

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    • André Allard

      Le lien à faire avec l’arrivée du syndicat, c’est surtout que la réduction des services crée de l’incertitudes auprès des syndiqués, pilotes et agents de bords, ca rend moins gourmand pour négocier une convention collective.

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  • Andrew Ford

    Cet aéroport régional peut devenir international, si…. les gros transporteurs internationaux ont la capacité d’y atterrir. Nous manquons d’infrastructures aéronautiques. Une piste de 10,000 pi. minimum dotée d’un ILS Cat II ou III. L’envers de cette piste avec un ILS standard. Et une piste transversale avec un ILS standard et des voies de roulements logiques. Des conditions IFR surviennent ponctuellement à presque tous les jours en hiver. En attendant ces transporteurs préfèreront atterrir à CYUL, malgré la congestion. Le tourisme d’hiver de Québec a un potentiel fantastique pour une clientèle européenne ou du sud. Bel aérogare mais vide…. 2e volet…. les frais aéroportuaires illogiques tout comme les frais d’administration de ADQ… J’ai toujours affirmé que nous avions le plus bel aéroport « régional » du Canada. Cette étude le confirme…. je persiste et signe….

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