Télésat accorde un contrat de 2,1 G$ à MDA
Télésat a annoncé hier qu’elle avait accordé le contrat de fabrication des satellites du programme Lightspeed à MDA. D’une valeur de 2,1 G$, ce contrat prévoit la construction de 198 satellites. Télésat a une option pour 100 satellites de plus. L’annonce d’hier était en fait une reprise partielle de celle faite à l’hiver 2021 et pour débuter cet article, je vous propose un retour en arrière.
Qu’est-ce que Lightspeed
C’est à l’été 2018 que Télésat a retenu les propositions d’Airbus et Thales Aliena pour le développement de ses satellites. Pendant trente mois, les deux fabricants ont développé et conçu les satellites à orbite basse du projet Ligntspeed.
Lightspeed est un réseau de communication avec des stations au sol et des satellites en orbite basse (LEO). Le fait de placer un satellite de communication sur une orbite basse permet de réduire le temps de latence : il s’agit du temps pour que le signal se rende au satellite et en revienne. Le temps de latence d’un satellite sur une orbite géostationnaire est d’environ 250 millisecondes. Avec une orbite basse, le temps de latence est divisé par 20 et cela augmente considérablement la capacité d’échange d’information.
De plus, la constellation Lightspeed a la particularité de mailler les satellites entre eux via un lien optique à très grande vitesse. Enfin, la modulation, démodulation et le routage des données se produit à même les satellites dans l’espace.
Lightspeed permettra d’offrir de l’internet haute vitesse partout au Canada. D’ailleurs, Airbus et Thales avaient expliqué en commission parlementaire à Ottawa les avantages du projet Lightspeed. Les représentations ont été efficaces puisque le 20 novembre 2020 Ottawa a accordé une aide de 600 M$ à Télésat. L’entente va permettre à Télésat d’offrir de la capacité à un prix considérablement réduit aux fournisseurs canadiens de services internet et de mobilité. Télséat déclare que la vitesse de son réseau sera tout près de celle des réseaux terrestres à fibre optique.
Les satellites
Le 9 février 2021, Télésat annonçait qu’elle optait pour la proposition de Thales Aliena pour ses satellites. C’est donc cette entreprise qui devait être le maître d’œuvre pour la fabrication des 298 satellites de la nouvelle constellation. La valeur de ce contrat était alors estimée entre 3 G$ et 5 G$.
Les satellites avaient un poids prévu de près de 700 kg et devaient consommer plus ou moins 4 kW. C’étaient de gros satellites d’une capacité variant de 7,5 Gb/s à 20 Gb/s selon la configuration des équipements au sol.
MDA devait s’occuper de la fabrication des antennes à réseau phasé de pointe (direct radiating array). Ces antennes sont d’une très grande précision et permettent de transmettre un très haut volume de données.
Afin de couvrir toute la planète, le réseau Lightspeed comptait alors 78 satellites sur des orbites polaires basses de 1 015 km d’altitude et 220 autres sur des orbites équatoriales de 1 325 km. La livraison des premiers satellites était prévue pour 2023 avec un premier lancement la même année.
Le financement
Après la signature des ententes en 2021, Télésat s’est mise à la recherche de financement. Mais pendant ce temps, la pénurie de semi-conducteurs a fait son œuvre
et le coût du projet était constamment revu à la hausse. Plus le temps passait et plus Télésat peinait à trouver les milliards supplémentaires.
Pendant ce temps, MDA travaillait à développer de nouvelles solutions numériques. Cette technologie permet d’optimiser le rendement des satellites et d’en réduire la taille de près de la moitié ; la réduction de poids permet également de faire une économie proportionnelle sur le coût du lancement dans l’espace. Le fabricant de satellites a donc ajouté une corde de plus à son arc afin d’offrir une solution plus complète à ses clients. C’est ainsi que MDA a été en mesure de faire une nouvelle proposition plus abordable à Télésat offrant une économie de 2 G$ sur l’ensemble du projet.
Le nouveau contrat prévoit donc la conception et la fabrication de 198 satellites pour débuter. Télésat a complété l’ensemble du financement avec divers partenaires. Ottawa fournira 800 M$ et Québec 400 M$. Télésat fournira également 1,6 G$ en capitaux propres pour l’ensemble du projet dont le coût est estimé à 3,5 G$. À partir du 156 satellites lancé, Télésat devrait être en mesure de se financer à même les revenus tirés par Lightspeed. Télésat devra également construire le centre d’exploitation de la constellation. D’ailleurs, le financement de Québec est conditionnel à son installation en sol québécois.
Un gros bond pour MDA
Pour MDA, ce contrat représente un bond en avant considérable qui la place maintenant comme un intervenant majeur de l’industrie du satellite. En effet, en 2021, elle était encore cantonnée dans un rôle de sous-traitant devant faire affaire avec des maîtres d’œuvre. Maintenant elle est maître d’œuvre et peut faire compétition à Airbus et Thales entre autres.
MDA est dans une forte phase d’expansion alors qu’elle a embauché plus de 200 personnes l’an dernier et devra en embaucher 200 de plus cette année. C’est plus de 200 M$ que le fabricant devra investir dans ces installations de pointe dans l’Ouest de l’île de Montréal. La nouvelle chaîne d’assemblage fera appelle à l’industrie 5.0 qui comprend l’utilisation de l’IA, l’automatisation, les cobots, la réalité augmentée ainsi que des assembleurs hautement qualifiés. D’Ailleurs, le salaire annuel moyen des personnes embauchées devrait dépasser les 100 000 $.
L’annonce d’hier est également un très grand bond pour l’industrie aérospatiale québécoise. Montréal devient une région où l’on peut concevoir et exploiter des satellites. La région devient donc un joueur de classe mondiale dans ce domaine.
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Article très complet à propos d’un sujet complexe mais qui est très bien expliqué ici. Avant de lire ce texte très instructif je ne comprenais pas bien l’évolution du dossier, que d’ailleurs je croyais clos depuis un certain temps déjà faute de financement pour un projet qui depuis le début me paraissait très risqué et extrêmement coûteux. Je suis donc stupéfait de la tournure des évènements et j’espère que le projet se réalisera sans trop d’imprévus qui pourraient engendrer des dépassements de coûts. Il s’agit d’un secteur de pointe où Montréal se positionne bien pour l’avenir tout en préservant les acquis du passé, car il faut se rappeler que l’usine en question existe depuis la fin des années 50, soit dès le début de l’exploration spatiale.