Aérospatiale

Le retour en production du CRJ900 pour bientôt ?

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C’est depuis l’automne 2019 que la rumeur sur la relance du programme CRJ circule. Puis en mars 2020, la COVID-19 est venue mettre une sourdine sur le projet et la rumeur qui s’est alors estompée. le tapage autour de cette relance a repris à l’été 2021 et n’a duré que le temps d’un refrain. Mais il y a de ces rumeurs qui sont tenaces et ne veulent pas mourir, celle du retour en production du CRJ en est une. Depuis quelques semaines, les fournisseurs du programme sont consultés afin de voir leur intérêt pour un retour en production. Mais cette fois, les discussions sont à un stage beaucoup plus avancé et elles concernent le CRJ900.

La demande

Ce sont les compagnies américaines qui poussent pour un retour en production du CRJ900. Delta serait la plus intéressée avec une commande de 150 appareils selon les dernières informations qui circulent. À elle seule, cette commande ne justifie pas un retour en production, mais il n’en manque pas beaucoup. Notez que je n’ai pas été en mesure de confirmer l’intérêt d’American et de United. 

Le marché intérieur des États-Unis évolue alors que les passagers veulent de plus en plus de vols directs. Ils ne veulent plus passer par un « hub » qui rallonge inutilement le temps de voyagement. Cela augmente donc la demande pour des avions de plus petites tailles comme le CRJ900. 

Le CRJ900 consomme moins de carburant que l’E175 d’Embraer. Mais son prix de vente plus élevé le rendait moins populaire auprès des compagnies aériennes. Mais depuis 2018, le prix du carburant est sur une pente ascendante ce qui a permis de réduire l’écart. Avec un nouveau moteur, le CRJ900 serait alors plus compétitif. 

Les fournisseurs

Plusieurs fournisseurs hésitent encore à se compromettre à cause des volumes de production. Ces derniers exigent donc des garanties sur le volume avant d’investir dans la relance. D’où la nécessité pour MHI RJ Aviation d’obtenir des commandes fermes. Mais il est déjà acquis que Collins fournira la nouvelle suite avionique. 

Pour la motorisation, MHI a évalué deux possibilités : la première étant d’utiliser le Silvercrest de Safran. Mais ce moteur n’est toujours pas certifié et il a connu de sérieux ratés lors de son développement. C’est le PW800 de Pratt & Whitney qui a été retenu. Les négociations avec le motoriste sont toujours en cours et seraient ardues. Là encore, le fournisseur craindrait que le nombre de commandes ne justifie pas l’investissement. 

Bombardier produisait plusieurs pièces du CRJ dans son atelier d’usinage à Saint-Laurent. Pour la relance, MHI ferait plutôt affaire avec plusieurs sous-traitants. Il ne serait toutefois pas question de disperser mondialement encore plus la chaîne d’approvisionnement. En cette ère post COVID, la tendance est plutôt à la régionalisation.

Le site de production

Presque tout l’outillage servant à la fabrication du CRJ est entreposé dans la région de Montréal. Mais cela ne garantit pas que c’est à Mirabel que MHI RJ Aviation installerait la ligne de production. La région de Toronto, l’aéroport Pearson, est également dans la course. Rappelons que c’est à Mississauga que MHI Canada a regroupé une bonne partie de ses activités aéronautiques nord-américaines. Bridgeport en Virginie-Occidentale serait également considéré, MHI y fait des révisions majeures sur des CRJ. 

Des intervenants de l’industrie aéronautique montréalaise m’ont fait part de leurs craintes de voir la production être délocalisée. Mais certains éléments joueraient en faveur de Mirabel pour le moment : le premier est qu’Investissement Québec serait le partenaire principal avec une injection financière substantielle.

De nos jours, la disponibilité de la main-d’œuvre est un autre critère d’évaluation. La présence dans la région de Montréal d’institution d’enseignement serait un autre facteur favorable. La capacité de Québec à mettre sur place rapidement un programme de formation rémunérée et permettant de former quelques centaines de personnes est un atout considérable. La présence à Mirabel de l’équipe d’ingénierie capable de mener à bien la certification du CRJ900neo est l’autre gros facteur. 

La décision

La décision de relancer la production du CRJ900 n’est toujours pas prise ; elle dépendrait entre autres des négociations avec Pratt & Whitney. Logiquement, elle pourrait être annoncée à Farnborough cette année. Mais en aéronautique, MHI nous a habitué un processus décisionnel très lent. Alors j’hésite à dire que ce sera annoncé cette année.

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26 avis sur “Le retour en production du CRJ900 pour bientôt ?

  • « Mais depuis 2018, le prix du carburant est sur une pente ascendante ce qui a permis de réduire l’écart. Avec un nouveau moteur, le CRJ900 serait alors plus compétitif. »

    Par-contre, un nouveau moteur comme le PW800 ferait augmenter significativement le prix de l’avion. Il faudra au moins 15 ou même 20% de gain en consommation pour contrer cette augmentation.

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    • André Allard

      En 2017-18, Bombardier avait étudié la possibilité de remotoriser le CRJ. À cette époque, il avait été déterminé que la distance moyenne que devait parcourir un CRJ900 pour justifier une remotorisation était de 750 nm. Hélas, à cette époque la distance moyenne parcourue était de 500nm. L’augmentation du prix du carburant ou une augmentation de la distance parcourue pourrait donc justifier un nouveau moteur.

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      • On parle tout de même d’une augmentation de poids d’environ 1200 lb pour les moteurs seulement sans compter les nacelles et les modifications structurelles nécessaires.

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        • Le CRJ900, configuration actuelle à des problèmes de « Load ability » vers l’avant. Ceci est connu par tous les opérateurs. Si les gens qui ont étudié la nouvelle config ont des solutions pour que les missions de vol soient plus autour de 25% MAC les performances moyennes seront meilleures. Pour un succes le CRJ900 être une F1 économiue comme la été le CRJ700. J’aimerais bien connaître l’ingénieur en propriété de masse qui a fait ses études. À mon avis ces études n’ont pas été faites car tous les gens de cette fonction ont été mis à la porte.

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          • Le 1200 lb de poids supplémentaire est pour le PW814GA, qui utilise le coeur du PW1500G. Toutefois, si le PW812D sert de base pour éventuellement remotoriser le CRJ900, la différence de poids serait moindre puisque ce dernier utilise le coeur du PW1200G, plus petit que son grand frère, le PW1500G.

            Malheureusement, Transport Canada ne dévoile pas le poids des moteurs dans ses TCDS, il faudra attendre la certification EASA ou FAA pour connaître le poids à sec du PW812D.

      • Gilles Lacombe

        Je ne comprends quelle serait la logique de mettre à jour un vieux programme: nouveaux moteurs, nouvelle suite avionique, modifier la structure et les systèmes, refaire la ligne d’assemblage, etc au lieu de simplement remettre sur pied leur propre programme Space Jet. Ce serait totalement insensé de faire du neuf avec du vieux.

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        • Ça signifie qu’ils ont lancé la serviette pour le Spacejet. Les problèmes à surmonter sont probablement trop important et trop risqué pour investir davantage dans le programme.

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  • louis martineau

    Le CRJ 900 a été mis en service en 2003 et ça sera toute une reconfiguration j’imagine. De CRJ 900 a quels dénomination possible ??. ✈️ Espérant que le choix de la remise en production du CRJ sera au Québec, advenant que les Japonnais aille de l’avant. Avec une main-d’oeuvre québécoise qui connaît déjà le CRJ et des moteurs assemblés chez Prattt-Whitney Mirabel, qu’espérer de mieux.

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  • Tom Laflamme

    Personnellement je n’y crois pas vraiment, il faudra un nombre très significatif de commandes ferme pour que la reproduction reprenne.

    MHI part à zéro comme constructeur, ça prend un emplacement, la re certification complète de l’outillage, et la formation des assembleurs et donc aussi refaire la courbe d’apprentissage, alors que présentement la plupart des avionneurs établi ont de la difficulté pour les augmentations de cadence à cause de leurs fournisseurs, imaginez un peu devoir en trouver des fiables pour repartir à presque zéro avec un volume qui ne lèvera pas avant 2 à 5 ans.

    Bombardier avait arrêté la production parce que les ventes n’y étaient pas, les opérateurs en veulent aujourd’hui mais combien ont été mis au rancard prématurément pendant la pandémie?

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  • En fait il y a deux questions que MHI RJ Aviation doit se poser.

    La première Est-ce que le CRJ avec le moteur actuel est conforme aux nouvelles normes d’émission OACI qui sera en vigueur en 2028 ?

    Si ce n’est pas le cas, est-ce que l’avion avec le moteur actuel aura une exception au delà de 2028 ?

    S’il n’y a pas de « oui » aux deux questions alors il ne faut pas rêver.

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    • Avec un nouveau moteur, tel que mentionné dans l’article, ce ne serais pas un problème.

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    • Le problème est beaucoup plus technique et logistique. Mais bon, les relances de production ça ne fonctionne pratiquement jamais…

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    • Je viens de vérifier la norme de 2028 et le CRJ900 actuel est en conforme (de justesse) aux nouvelles normes, donc si il est remotorisé il fera encore mieux, les CRJ700 et CRJ1000 ne le sont pas par-contre. À noter que l’E175-E1 dépasse la norme et n’est pas conforme donc ne pourra être produit après 2028, c’est peut-être la vrai raison pour laquelle les transporteurs américains veulent le retour du CRJ900.

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      • André Allard

        Merci pour la précision Nicolas et voilà qui est très intéressant. Tu as sans doute identifié la raison qui pousse le retour en production du CRJ900. LOL : maintenant tu m’envois un article à ce sujet que je le publie en mentionnant ton nom. 😉

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      • André Allard

         » À noter que l’E175-E1 dépasse la norme et n’est pas conforme donc ne pourra être produit après 2028, c’est peut-être la vrai raison pour laquelle les transporteurs américains veulent le retour du CRJ900. » Oui car on se doute bien que s’il n’y a que l’E2175 qui est offert le prix serait beaucoup plus élevé que l’E-175.

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      • Je pense qu’aucune question n’est posée sur l’E175 puisque Embraer a encore plus de 140 E175 dans leur backlog.
        Il y en a suffisamment à écouler en attendant la suite après 2028.

        En ce qui concerne le CRJ900, je crois le chemin pour relancer la production, même si la volonté y est, est bien difficile.
        Comme ont déjà mentionné plusieurs intervenants, certains fournisseurs ont déjà arrêté la production des pièces pour le CRJ90. La remise en marche des moyen de production n’est peut être pas si facile pour ces fournisseurs.

        Il s’agit de gros investissements qu’ils ne puissent pas engager sans une garantie de volume.

        Même si tout se passe bien, ça prendra au moins deux ans pour remettre tout ça en marche même en gardant l’avion tel qu’il est maintenant.

        honnêtement, je ne comprends pas comment on peut encore rêver de relancer la production du CRJ900. Ceci dit, les japonais ont bien dépensé des milliards pour leur SpaceJet. Quelque centaines de millions de perte sur une relance de CRJ900 ne ferait pas de mal.

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  • Normand Hamel

    J’aimerais bien y croire mais je suis loin d’être convaincu que les conditions sont réunies pour un reprise de la production. Quand on pense que le A220 n’est toujours pas rentable malgré ses relativement nombreuses commandes il devient évident que ça prendrait un miracle pour repartir la chaîne de production, et ce d’autant plus que l’ancienne FAL a aujourd’hui une tout autre vocation qui n’a plus rien à voir avec le CRJ, ni de près ni de loin.

    Cela dit, l’arrêt permanent de la production me paraissait prématurée à l’époque compte tenu du potentiel de l’appareil et des besoins du marché. Cependant le timing n’était malheureusement pas au rendez-vous et Airbus avait alors besoin de l’espace pour le pré-assemblage du A220.

    Par contre je ne vois pas pourquoi le gouvernement investirait des sommes importantes dans un projet aussi peu viable sur le plan économique. La seule façon peut-être d’y arriver serait de prévoir à l’avance une autre vocation potentielle pour la nouvelle installation en cas d’échec. Autrement dit d’avoir un plan B. Autrement dans cette catégorie on se retrouvera éventuellement avec un seul turbo-prop et un seul regional jet.

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    • Embraer devrait lancer son turboprop cette année ou l’an prochain

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  • Normand Hamel

    Nicolas: « Embraer devrait lancer son turboprop cette année ou l’an prochain »

    Mon impression est que ce projet ne verra pas le jour de sitôt, et ce essentiellement pour deux raisons:

    1- La situation financière d’Embraer ne lui permet pas présentement d’investir dans un projet d’une telle envergure.

    2- Le marché des turboprop n’est pas suffisamment important aujourd’hui pour justifier un tel investissement, surtout que ATR pourra toujours vendre ses avions à un prix nettement inférieur que tout nouveau modèle qui arriverait sur le marché. Et les économies de carburant promises pour le nouvel avion ne justifieraient certainement pas le prix de vente qui serait forcément beaucoup plus élevé.

    On pourrait d’ailleurs dire la même chose à l’égard d’une simple remotorisation du CRJ qui pousserait vers le haut le prix de vente qui est déjà au départ trop élevé pour la plupart des opérateurs. Dans les deux cas, regional jet et turboprop, le marché n’est pas suffisamment important de toute façon.

    Même pour un avion comme le CSeries de nombreux observateurs se demandaient s’il y avait un marché dans cette catégorie. Personnellement j’y croyais mais l’investissement requis pour réaliser ce projet ambitieux a conduit Bombardier au bord de la faillite et je suis convaincu que si Embraer tentait de lancer un nouveau turbopropulseur sur le marché cela les mènerait eux aussi au bord de la faillite.

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    • Je ne crois pas que leur situation financière les empêchera de lancer ce projet surtout que l’E175-E2 ne verra jamais le jour, ce qui risque éventuellement de laisser le marché des moins de 100 passagers à ATR seulement.

      Les trois grands motoristes ont démontré beaucoup d’intérêts et Embraer pourra monétiser cet intérêt. Je crois aussi qu’Embraer ne se lancera pas seul, un partenaire industriel tier 1 tel que Spirit Aero, GKN ou peut-être même DHC pour concevoir et produire des parties importantes de l’avion.

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    • Nicolas

      Les avions électriques n’ont aucun avenir à part peut-être pour de très petits appareils sur de très petites distances. La plus importante chose pour un avion, avant l’aérodynamisme et la performances des moteurs, c’est le poids et un avion électrique avec des batteries ne sera jamais léger et ne s’allège pas durant le vol contrairement à un avion conventionnel. À long terme, l’hydrogène est peut-être la solution mais il faudra un avion spécifiquement conçu pour cette technologie.

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