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Le Canada confronté à des choix difficiles

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Depuis le 20 janvier dernier, les médias canadiens nous rapportent les frasques de Donald Trump. Ce dernier les produits à un rythme tel qu’il est impossible de suivre le flot incessant de ses déclarations de plus en plus bizarres. Dans le lot, il y a une chose très préoccupante pour le Canada et qui forcera le gouvernement à faire des choix difficiles.

L’exclusion du programme FiveEye

Dans un article publié le 25 mars dernier, le National Poste rapporte qu’un des sbires de Trump aurait suggéré d’expulser le Canada du programme FiveEye. Les fondations de cette entente remontent à 1941. Les États-Unis sont un membre important du programme FiveEye dont font également partie l’Australie, le Canada, la Nouvelle- Zélande ainsi que le Royaume-Uni. Cette alliance a pour but la mise en commun des moyens de collecte de renseignement ainsi que le partage des informations. Ce programme aura permis au quintette anglo-saxon de tisser et maintenir des liens serrés en matière de service secret et de stratégie de défense contre les ennemis communs. Depuis le début des années 50, c’est la pierre angulaire de la collecte d’information des pays membres. La semaine dernière, le Canada s’est plaint à quelques reprises de la remise en question du partage de renseignements de la part des États-Unis.

Si les troupes de Trump remettent en question le partage d’information avec nous, il n’y a qu’une seule conclusion possible : c’est qu’ils ne nous perçoivent plus comme des alliés. Pour le nouveau président américain, le Canada est maintenant un obstacle à ses ambitions actuelles ou futures.

La souveraineté territoriale

Le truc avec le grand stratège qu’est Donald Trump, c’est qu’il est incapable de garder pour lui une stratégie qu’il aurait intérêt à ne pas partager. Depuis son arrivé à la Maison-Blanche, ce grand amiral de bateau-lavoir clame haut et fort qu’il s’intéresse au Groenland pour ses ressources, idem pour la paix en Ukraine en retour des ressources naturelles. Même les richesses de l’Arctique canadien ont fait l’objet de déclaration de ce moulin à parole.

Pour l’amiral Trump. L’arctique Canadien est un vaste territoire désertique où il n’y a personne et dont il serait très facile de s’en emparer. Notez ici que je ne partage pas son opinion. Et si vous pensez que je fabule, alors expliquez-moi pourquoi le 5 mars dernier, le ministre de la Défense nationale Bill Blair s’est empressé de devancer la construction d’infrastructures militaire dans le nord, cliquez ici. De plus, le budget pour ces installations est passé de 268 millions de dollars à 2,67 milliards. Puis le 8 mars, c’est la construction de deux énormes brise-glace polaires qui est lancé en toute pompe et dont le coût unitaire dépasse les 3 milliards. Finalement, le 8 mars toujours, c’est un contrat de 8 milliards qui a été accordé au chantier maritime Irving afin de lancer la construction d’un premier navire de remplacement pour la marine canadienne.  Je ne me souviens pas d’avoir vu un gouvernement libéral être aussi rapide sur les dépenses militaires.

Il est maintenant évident, que la dernière semaine du gouvernement Trudeau aura été marquée entre autres par un besoin urgent d’affirmer la souveraineté du Canada en Arctique.

La menace de la « Kill Switch »

L’expression « kill switch » a circulé dernièrement lorsqu’il est question de la capacité des États-Unis à rendre non fonctionnelle toute arme ou système d’arment vendu à l’étrange.  Il faut faire attention avec ce terme qui est réducteur et qui laisse croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour rendre la ou les armes non fonctionnelles. En réalité, il y a plusieurs méthodes qui sont employées. Évidemment, avec la complexité des armes modernes, la programmation faite en usine avant la livraison est une méthode de choix, mais elle n’est pas la seule. Donc, si l’on considère que la « kill switch » est l’ensemble des moyens qu’un pays producteur prend afin d’éviter qu’une arme se retourne contre lui, alors l’expression a du sens et permet surtout de réduire la quantité de texte. C’est dans ce contexte que je vais l’utiliser.

Les CF-35

Si l’amiral Trump a réellement des visées sur nos richesses nordiques, il convient de se demander si nous serions en mesure de nous défendre : 88 avions de chasse sont nettement insuffisants pour couvrir un territoire aussi vaste que le Canada, surtout face à un adversaire qui en compte plus de 1 000. La question de la « kill switch » est donc secondaire ici. C’est uniquement par de solides alliances que nous pouvons garantir notre sécurité. Pour l’instant c’est l’OTAN qui joue ce rôle et il faudra voir comment ce traité va évoluer dans les prochaines années, voir même les prochains mois.

Pour ce qui est des CF-35, la livraison de ces coûteux avions doit s’échelonner de 2026 à 2028 et ils seront pleinement opérationnels en 2032. Assis à mon clavier, c’est facile de dire qu’il faut tout annuler. Mais je comprends que la décision n’est pas aussi simple et qu’il y a plusieurs facteurs qui doivent être pris en compte. La première évidence, c’est qu’il n’y a pas de solution de rechange disponible qui permettrait à la fois de se passer des CF-35, mais également de remplacer à temps les CF-18 rafistolés et qui sont en fin de vie utile. La cadence de production du F-35 est à douze appareils par mois, ce qui est supérieur à la cadence totale de tous les autres avions de chasse fabriqués par nos alliés. La capacité de produire rapidement un avion de remplacement n’existe tout simplement pas.

Les pays alliés qui ont récemment commandé des F-35 sont l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, la Grèce, le Portugal ainsi que la Roumanie et ils se posent la même question que nous. Peut-être que le Canada voudra attendre que certains d’entre eux aient annulé avant de faire sa propre annonce afin de ne pas avoir à gérer les réactions intempestives de l’amiral Trump. Mais je le répète, il n’y a pas de solution alternative.

Le SCAF

Dassault est le maître d’œuvre du SACF ou système de combat aérien du futur, ce programme comprend entre autres un avion de chasse de sixième génération. Le premier vol de cet avion est prévu pour 2029 avec une mise en service en 2040. Ce qui signifie que nos CF-35 seront technologiquement dépassés en seulement une décennie de service, d’où l’importance pour le Canada de s’associer au SCAF.

Les CF-18

Lorsque le Canada a fait l’acquisition des CF-18 des mains de Mc Donald Douglas, cela incluait la licence et donc l’accès au code source de l’avion. C’est ce qui nous a permis de faire des mises à jour et de mieux les adapter à nos besoins sans avoir à verser une redevance au fabricant. Mais, l’accès au code source permet également de trouver où dans la programmation les capacités de l’appareil peuvent être réduites ou même rendues inopérantes. Remarquez que ces avions sont utilisation depuis 1983 et il y a fort à parier que la programmation a été revue dès les premières années afin d’éviter qu’une tierce partie puisse utiliser la « kill switch ». En effet, quel serait l’intérêt pour un pays de laisser autant de pouvoir aux mains d’un allier même très fiable. Un CF-18 pleinement fonctionnel est plus utile plus qu’un F35 inutilisable. Toutefois, il est évident qu’ils ne feraient pas le poids contre des F-22 ou encore plus d’une centaine de F-35.

Les avions de patrouille maritime

Cette commande est d’une valeur de 11 milliards et porte sur 16 appareils fabriqués par Boeing. Leur utilité première est de traquer les sous-marins nucléaires russes dans l’Atlantique et le Pacifique Nord. Si leur utilité était encore bien évidente il y a trois ans, l’on peut certainement la remettre en question dans le contexte actuel où les États-Unis et la Russie s’entendent comme des larrons en foire. C’est maintenant du côté de l’Europe qu’il devient important de suivre la trace des sous-marins russes. Si le P8A n’était pas de fabrication américaine, on pourrait facilement offrir de déployer les nôtres en Europe en échange d’une plus forte présence militaire de nos alliés en sol canadien. Il faut donc trouver autre chose.

Mais si l’on fait une analyse du coût de ce programme versus ce qu’il va nous apporter en matière de défense dans la nouvelle réalité trumpienne. Là il est plus facile de remettre en question cette dépense. Il faut également prendre en considération la possibilité que les secrets entourant le P8A se retrouvent entre les mains de la Russie de Vladimir Poutine. Auquel cas, ils ne nous seraient plus d’aucune utilité.

Les CC330 Husky

Le Canada a passé une commande de quatre A330 MRTT neufs ainsi que cinq usagés qui une fois revêtit de l’unifolié deviennent les CC330 Husky. Croyez-le ou non, nous allons devenir un joueur significatif dans le secteur du transport et du ravitaillement militaire. Voilà enfin un domaine où nous sommes un plus pour nos alliés. Que voulez-vous, on a les moyens qui vont avec notre réputation. À moyen terme, il serait possible d’en acquérir encore plus, ce qui donnerait une opportunité à nos alliés de moins investir dans les avions de transport et de se concentrer plus dans les armes de combat.

NORAD

C’est en décembre 2017 que j’ai remis en question l’utilité du NORAD pour la première fois. Je vous invite à lire ce texte en cliquant ici. Il me semble encore plus pertinent qu’avant alors que c’est devenu une perte de temps et d’argent que de maintenir ce traité complètement inutile. En fait, qu’il s’agisse d’un accord de libre-échange ou de défense, un traité ne vaut jamais plus que la parole de ceux qui l’on signé ou encore qui doivent l’appliquer. Je crois qu’à ce stade, je n’ai pas besoin d’en rajouter sur ce que vaut la parole de l’amiral Trump. S’il ne manque plus qu’une hache pour mettre fin à ce traité militaire, j’irai en porter une moi-même à Ottawa.

Attendre la prochaine élection

Certains seront sans doute tentés d’attendre la prochaine élection présidentielle en se disant que Trump en est à son dernier mandat. Mais si croyez que l’amiral va sagement rentrer chez lui après l’élection et céder le pouvoir, je vous trouve bien naïf. En fait, c’est comme espérer qu’une bernacle se désincruste d’elle-même d’après la coque d’un navire. Cela n’arrivera pas et la situation des États-Unis sera encore plus chaotique après la prochaine élection présidentielle que maintenant. Veux mieux se préparer pour le pire.

Le temps de grands bouleversements

À son premier mandat, Donald Trump s’était entouré de gens très compétents qui n’ont pas hésité à claquer la porte en le traitant d’idiot. Depuis son assermentation le 20 janvier, il s’entoure de gens dont la seule compétence est de lui être loyal. S’il s’arrêtait là, ce ne serait pas trop grave. Mais en plus, il se dépêche de congédier tous les gens compétents qui œuvrent au sein du gouvernement américain pour les remplacer par des MAGA. Je ne le redirai jamais assez souvent : « Donald Trump est un amiral de bateau l’avoir » et il est en train de s’entourer d’un équipage à son image. » Cela signifie que toutes les grandes décisions stratégiques, économiques et militaires des États-Unis seront prises par un équipage d’amateurs. Les prochains mois et années seront remplis de décisions bizarres, soubresauts et perturbations dont il est difficile de mesurer l’ampleur qu’ils prendront. Attachez vos tuques avec de la broche, ça va barder.

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4 avis sur “Le Canada confronté à des choix difficiles

  • François Bouchard

    Mon avis est que la commande des 16 Poseidon devrait être annulée et donner la tâche â Bombardier de produire ces avions de surveillance.

    On sait que les Poseidons n’avaient plus de commandes si ce n’était pas celle du Canada. Ils sont déjà obsolètes.

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    • Marc Lafrance

      Effectivement ! Bombardier a développé, en coopération, un AWACS sur une base de CL-6500, je crois. Achetons Canadien/Québécois.

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      • François Bouchard

        Je ne comprends pas pourquoi personne n’en parle. J’ai envoyé des courriels à Bill Blair, Champagne, Legault, Trudeau, mais personne ne répond, môle journal les affaires. Il va falloir soulever cet enjeu pendant la campagne.

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  • Marc Lafrance

    Construisons ici ! Avec de la volonté et des alliés responsables et sincères (qui ne chercherons pas à nous soumettre, eux !) nous pourrions nous libérer doucement de l’emprise, du ¨Made in the U.S.A.¨ pour ce qui a trait à notre aviation militaire. Depuis 1959 que nous sommes pris à la gorge pour acheter du matériel volant U.S., sois disant pour être sur la même fréquence. Ne serait-il pas le temps de donner un coup de barre à l’Est, vers l’U.E.?

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