Aérospatiale

La COVID-19 et ses effets sur l’aviation

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Voilà maintenant six mois que la COVID-19 affecte la planète et que ses effets sur l’économie se font sentir. Le secteur de l’aviation a été très durement touché par les restrictions de voyages. Par rapport à 2019, aucune compagnie aérienne n’est revenue à 50 % de ses activités sauf pour les compagnies chinoises. Alors que l’épidémie se prolonge, l’industrie passe à la deuxième phase de la gestion de crise. Voici donc mon analyse sur les effets à moyen et long terme de la pandémie sur l’aviation. 

Les États-Unis dépassées par la Chine

Depuis le début de l’aviation civile, les États-Unis ont été le marché dominant. Ce sont les compagnies américaines qui ont déterminé les spécifications des avions.  Mais depuis 2010, les compagnies aériennes américaines perdent des plumes au détriment des compagnies chinoises. En 2010, il y avait eu 720 M de passagers aux USA contre seulement 267 M en Chine. Puis en 2018, 889 M de passagers ont pris l’avion aux États-Unis conte 611 M en Chine. À ce rythme de croissance, la Chine devait dépasser les États-Unis dans quelques années. 

Au mois de juillet dernier, les vols intérieurs en Chine étaient à 85 % de la capacité pour la même période en 2019. La crise économique liée à la COVID-19 a été beaucoup plus courte en Chine que partout ailleurs dans le monde. Aux USA l’offre de vols intérieurs était à 55 % de celle de juillet 2019. Pour les deux pays, on ne tient pas compte du marché international qui est demeuré très faible en juillet. Mais il est évident que la Chine va dépasser les États-Unis en 2020 pour le nombre de passagers. De plus, la crise sanitaire et économique se prolonge au pays de l’oncle Sam. Il est donc fort peu probable que les États-Unis reprennent le dessus sur la Chine en 2021 et après. 

Il s’agit d’une donnée importante qui permet d’anticiper comment évoluera l’industrie du transport aérien. Les fabricants d’avions élaborent leurs produits et services en fonction des plus gros clients. Dorénavant, les compagnies chinoises auront un mot à dire afin d’établir les requis techniques des avions. 

La gestion de flotte

Durant une crise financière, les compagnies aériennes ont le réflexe d’envoyer à la casse leurs plus vieux appareils. On parle ici d’avions qui ont généralement plus de 20 ans d’âge. Cette mesure permet de réduire considérablement la consommation de carburant et les coûts d’entretien. Mais l’ampleur de la crise engendrée par la COVID-19 est beaucoup trop grande pour que cette mesure soit suffisante. 

En avril dernier, c’est plus de 60 % de la flotte mondiale qui était inactive. Le taux d’inactivité se situe maintenant aux environs de 30 % ce qui représente près de 10 000 appareils. Une révision structurale peut couter de 1,5 M $ à 2 M$. Donc les premiers avions envoyés au remisage longue durée sont ceux qui étaient près de la prochaine révision structurale. Mais pour en arriver au chiffre de 10 000, plusieurs appareils ayant encore beaucoup d’heures disponibles y sont passés. Ce n’est que lorsque la crise sera chose du passé et que la demande se rétablira que les compagnies aériennes les remettront ces appareils en service. 

De plus les appareils restés en service ont un taux d’utilisation beaucoup moins élevé qu’avant la crise. Sur une base annualisée, le nombre moyen d’heures de vol des monocouloirs est passé de 3 500 heures à 2 000 heures. Les compagnies aériennes ont choisi de garder plus d’appareils en service car cela réduit les frais de remisage. Cette mesure est plus économique surtout si le remisage est pour une période d’un an ou moins. Puisque les avions sont moins utilisés, l’intervalle d’entretien structural arrivent moins rapidement. 

Les plus retirés et les plus utilisés

Le retrait de presque tous les quadriréacteurs n’a surpris personne car Il s’agissait d’une tendance déjà bien amorcée avant la COVID-19. Ainsi, près de 95 % des A380 et 75 % des B747 sont remisés ou carrément envoyés à la casse. L’A340 ne fait pas beaucoup mieux avec 70 % des appareils retirés du service actif. 

Parmi les long-courriers bimoteurs, l’A350 et le B787 font bonne figure avec seulement 35 % des appareils remisés. La mauvaise performance de l’A330 surprend avec 50 % de retraits. Il est maintenant évident qu’il faudra beaucoup de temps avant que le marché des long-courriers revienne au niveau d’avant la COVID-19. Il faudra sans doute attendre jusqu’en 2025 pour un retour à la normale.

Depuis le début de la crise, les compagnies aériennes ont annoncé le retrait permanent de 1 200 appareils. Fait étonnant 25 % de ces retraits concernent les avions régionaux : 145 E-Jet, 144 CRJ et 22 ERJ pour un total de 305. Cette tendance va s’accélérer cet automne alors que les compagnies américaines couperont dans les routes régionales. Le marché des avions régionaux sera donc sévèrement affecté par la crise de la COVID-19.

Dans les monocouloirs, les appareils ayant moins de 5 ans d’âge ont la cote et volent beaucoup plus. L’A220 se tire particulièrement bien d’affaires avec un taux d’appareils actifs de 95 %. Au cours des prochains mois, les compagnies aériennes vont rationnaliser leur flotte; elles réduiront le nombre de modèles différents qu’elle opèrent en sélectionnant des avions de plus petite taille. 

La gestion des pièces et de l’entretien

Selon l’analyste Kevin Michael d’AeroDynamic, l’inventaire mondial de pièces de rechange était de 45 G $ avant la pandémie, 25 G $ se trouvant chez les fournisseurs et 20 G $ chez les compagnies aériennes. La réduction du nombre d’appareils en service et du taux d’utilisation permet donc aux compagnies aériennes de considérablement réduire l’inventaire.

À cela il faut ajouter la possibilité pour les compagnies aériennes de cannibaliser les appareils actuellement remisés : il s’agit de prendre un système complet sur un avion remisé pour l’installer sur un avion en service. Les moteurs, les trains d’atterrissages et les groupes auxiliaires de puissance sont d’excellents candidats à la cannibalisation. Les ateliers de remise en service de ces systèmes vont pâtir plusieurs années de cette situation. 

Ce sont souvent de petits ateliers d’usinage qui en bout de ligne fabriquent les pièces de rechange fréquentes. Ces fournisseurs de troisième niveau vont devoir évaluer la pertinence de rester dans l’aéronautique. Les entreprises les plus en santé auront la possibilité de racheter des concurrents à bon prix. Une vague de consolidation parmi les fournisseurs de troisième niveau est donc à prévoir. 

À un moment donné, lorsque la demande aura suffisamment rebondi, l’industrie devra faire du rattrapage dans l’entretien. À ce moment-là, le problème de la pénurie de main d’œuvre va refaire surface. 

Enfin, le prix des pièces usagées est actuellement trop bas pour justifier le démantèlement des plus vieux appareils. Mais la capacité des recycleurs est limitée et il faut s’attendre à un retournement de situation très rapide. En l’espace de quelques mois ce secteur va passer de surplus à pénurie. 

Demain, je parle des motoristes et de Pratt & Whitney Canada.

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4 avis sur “La COVID-19 et ses effets sur l’aviation

  • Tom Laflamme

    J’aimerais bien un portrait de notre industrie Canadienne.

    Le nombre des mise à pieds, les fournisseurs qui ont plié bagages, et comment les chaînes d’approvisionnements sont touchées pour ceux qui veulent construire.

    J’aurais bien aimé un portrait avec notre honorable ministre des transports mais je n’y crois plus, notre ministre responsable reste introuvable.

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    • André Allard

      Ca commence demain avec Pratt & Whitney Canada suivi de CAE mercredi. Pour Bombardier, l’AéroPod hors-série #6 est enregistré et sera diffusé à partir de 27 août prochain. Cet épisode est d’une durée d’une heure quinze minutes et démontre qu’il y a un futur pour Bombardier.

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  • Normand Hamel

    LADQ: « Au mois de juillet dernier, les vols intérieurs en Chine étaient à 85 % de la capacité pour la même période en 2019. »

    Je serais étonné que l’on atteigne un tel seuil en Occident avant la fin de l’année. Peut-être en 2021 mais je ne suis pas certain. Il pourrait d’ailleurs s’écouler plusieurs années avant que nous retrouvions le niveau où nous étions avant la crise.

    La question que l’on est en droit de se poser est la suivante: sommes-nous entrés dans un nouveau paradigme? Est-ce que le télétravail est là pour rester? Les voyages d’affaires, qui sont les plus payants pour les compagnies aériennes, regagneront-ils la vigueur qu’ils avaient? Et le tourisme, qui était sur une pente ascendante, reprendra-t-il avec la même vigueur?

    Déjà avant la crise il y avait un mouvement de « shaming » envers ceux qui voyagent en avion. En fait le mouvement n’a pas eu le temps de prendre véritablement de l’ampleur avant que la crise ne sévisse mais il a certainement laissé des traces et cela ne fera que s’ajouter à la crainte de contracter un virus lors d’un voyage en avion.

    Bref on n’est pas sorti du bois… ni de la maison. 😧

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