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Combien coûte la fabrication d’un C Series (1ère partie)

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Ce texte a été publié une première fois en mai 2016. Avec la plainte de Boeing contre Bombardier la question du coût de fabrication du C Series a refait surface; j’ai donc actualisé le texte que je republie aujourd’hui.

Dans sa plainte, Boeing déclare que Delta paiera 19 M$ l’unité pour ses CS100. À l’époque où la vente a été conclue, plusieurs médias spécialisés avaient fait état d’un prix unitaire de vente d’environ 27 à 28 millions de dollars US. Puisque que le prix de liste officiel du CS100 est de 79,5 millions de dollars selon le site de Bombardier, cela voudrait dire que l’escompte consenti à Delta serait de l’ordre de 65% si les informations obtenues par les médias spécialisés sont exactes. Je me suis alors posé la question si Bombardier avait vendu ses C Series en dessous du prix coûtant ou non et je vous livre le fruit de mes recherches.

 

Le mythe du prix catalogue

Prenez note que tous les montants mentionnés dans ce texte sont en dollars américains. Quand on compare le prix catalogue des fabricants d’avions et le prix payé par les compagnies aériennes, on se rend rapidement compte qu’il y a un écart important entre les deux. Nous avons obtenu le tableau suivant qui a été produit avec les données de la compagnie d’évaluation Ascend qui est un spécialiste en évaluation de la valeur marchande des avions commerciaux et est maintenant une filiale de Flightglobal. Ce tableau montre par modèle d’avion fabriqué par Boeing et par Airbus, le prix du catalogue, son prix vendu sur le marché et le pourcentage de remise.

Si le tableau date quelque peu, les réalités du marché, elles, n’ont pas changé et les escomptes de l’ordre de 50% sont encore la norme aujourd’hui. Malgré tous ces escomptes, les deux gros constructeurs font des profits comme jamais et on peut donc en déduire que le coût réel de fabrication se situe bien en dessous de 50% du prix catalogue. Ce qui revient à dire que les listes de prix des fabricants d’avions ne sont qu’un simple outil de référence et elles sont surtout une très bonne source pour les scribouillards. Cela nous indique aussi que le prix de catalogue du C Series est très certainement plus du double de son coût de fabrication.

Airbus et Boeing le prix réel

 

Qui fait la guerre à qui?

Les médias généralistes et spécialisés en aéronautique ont largement fait état de la guerre de prix qu’ont livrée Airbus et Boeing à Bombardier afin d’empêcher l’arrivée du C Series sur le marché, et ce même si actuellement il n’est pas un concurrent direct de l’A320 et du B737. Mais à peu près personne ne parle de la guerre de tranchées à laquelle se livrent deux fabricants de moteurs.

 

D’un côté de la tranchée, il y a le consortium CFM International qui est une coentreprise entre GE et Safran qui  domine le marché des moteurs d’avions-monocouloirs avec plus de 28,000 ventes de son moteur CFM56. En fait le CFM56 était presque seul dans ce marché jusqu’à l’arrivée des moteurs PWG de Pratt & Whitney qui elle est une filiale à part entière de la multinationale United Technologies Corp.  L’objectif de Pratt & Whitney qui est donc de reprendre une part importante de ce marché à CFM International dans les monocouloirs apparaît très évident. Comme les moteurs sont la partie la plus dispendieuse d’un avion et peuvent représenter jusqu’au tiers de son coût de production, il est à peu près impossible qu’un constructeur d’avion ne consente des escomptes aussi élevés que 60% à des clients sans l’implication directe de son fournisseur de moteurs.

 

À titre d’exemple : le prix de liste du moteur CFM-56 est actuellement de 10 millions alors que celui de la nouvelle version, le LEAP-1B, est de 13,5 millions de dollars. Comme Boeing a vendu ses B737-7NG à United Airlines environ 23 millions de dollars en janvier 2016, cela voudrait dire qu’elle les auraient vendu à perte si CFM International avait maintenu le prix de catalogue de ses moteurs. Dans le cas de la commande de United, on peut facilement supposer que c’est CFM International qui a permis que la vente se fasse. Pour ce qui est de la liste de prix des moteurs du C Series, Pratt & Whitney n’a pas de liste de prix officielle, mais il est raisonnable de présumer qu’il n’y a pas un très grand écart avec celui de son concurrent. De là à conclure que Pratt & Whitney aurait été activement impliquée dans l’escompte consenti à Delta Airlines, il n’y a qu’un pas. Il faut savoir que pour les fabricants de moteurs d’avions, la vente de moteurs neufs n’est pas leur activité la plus rentable. C’est la vente de pièces de rechange et la remise à neuf des moteurs qui génère la plus grosse marge bénéficiaire pour eux. C’est pour cette raison qu’ils sont prêts à pratiquement vendre les moteurs au prix coûtant, car plus il y a un grand nombre de moteurs qui seront vendus, plus cela générera des revenus et des profits dans le futur.

 

Le fait qu’il y ait une guerre de tranchées entre CFM International et Pratt & Whitney indique que Bombardier n’est pas seul dans sa galère contre Boeing et Airbus.

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14 avis sur “Combien coûte la fabrication d’un C Series (1ère partie)

  • Guillaume

    Bonjour.

    Juste pour préciser (Car la dernière phrase porte a confusion).

    Pratt n est pas le fournisseur exclusif du cseries.
    Pratt propose le même moteur pour les neo d airbus (qui sont aussi disponible en leapx), mais aussi pour les 190e2, mrj, ms21.
    Il n y a donc pas de partis pris du cote de pratt.
    Leur problème a eux est d arriver a livrer ce qu ils ont en commande, et de fiabiliser un moteur qu ils ont voulu sortir bien avant le leapx et qui n était pas prêt. Avec des risques d annulations au profit de cfm (voir Qatar airway).

    Enfin, et c est un peux en dehors du sujet principale mais puisque j y suis…
    J entend souvent parler de guerre, ici de galère, d’agressions de la part d airbus ou de boeing. Avec tout un vocabulaire émotif…
    Mais, c est juste du commerce…
    Airbus et boeing se battent en entre eux, ce qui est bien normale, et baissent leurs marges car ils voient arriver les chinois et bientôt les russes. Et nous on est au milieux de tout ceci.
    Comme le prix unitaire d un avion dépend de sa cadence de production et de la quantité que l on pense vendre (pour amortir les coûts de développement), on part forcement perdant au niveau prix.
    Cependant, il y a forcement de la place pour nous puisque les deux constructeurs ont vendus plus d avions qu ils ne peuvent en produire.
    Au finale, c est les deux motoristes qui déterminent les cadences de production et donc les prochaines ventes.
    C est peut être la notre faiblesse, avec un pratt qui va peut être préférer livrer a leur plus gros client, airbus en priorité…

    Bonne journée

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    • André Allard

      Effectivement Pratt ne fournit pas exclusivement le C Series, mais c’est tout de même le deuxième plus gros client du PWG. Surtout il ne faut jamais sous-estimer l’avantage des liens entre les dirigeants de deux entreprises comme BBD et PWC.

      Vous avez tout à fait raison de soulever le fait que faire du commerce implique que l’on échange les coups avec ses adversaires, mais pour les employés de BBD et de ses sous-traitants, la situation est émotive.

      Mais votre commentaire me rappelle la nécessité d’un bon dosage entre l’émotif et le logique. 😉

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      • Guillaume

        A vrai dire, elle ne l est pas vraiment.
        Car on sait tous que le cseries est sur des rails.
        Nos difficultés viennent des pertes engendrées quelques année auparavant par le lear85, et de la chute temporaire du marche des avions d affaire. (Et l attente sur le 7000 8000)
        Pas par le cseries, qui va faire son petit bonhomme de chemin. (Même si il est pris dans les négociations de l alena, et pris comme tout le monde dans des problèmes de livraisons moteur)

        C est un peux comme la soit disante lute a mort airbus versus bombardier, alors que nous livrons des ensemble de 330 et que nous répondons aux appels d offre sur les neo, avec par exemple des contrats sur les nacelles…
        La presse aime dramatiser les choses.
        C était le sens de ma remarque.

        Bonne fin de journée.

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        • Guillaume: « Nos difficultés viennent des pertes engendrées quelques année auparavant par le lear85, et de la chute temporaire du marche des avions d affaire. (Et l attente sur le 7000 8000). Pas par le cseries, qui va faire son petit bonhomme de chemin. »

          Enfin quelqu’un qui a compris!

          Je tiens à rappeler que le Learjet 85 a coûté 3 milliards à Bombardier et que les aides reçues pour sauver l’entreprise totalisent également 3 milliards. Ce qui pourrait vouloir dire que si Bombardier ne s’était pas lancée dans l’aventure du Learjet 85 elle n’aurait vraisemblablement pas eu besoin que l’on se porte à sa rescousse.

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    • Nicholas

      CFM a également quelques problèmes avec le LEAP, une AD est sortie cette un problème de HPT et eux aussi peine à délivrer dans les temps, en plus d’être légèrement moins performant que prévu.

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      • André Allard

        Hors sujet mais quand même: Safran a encore des problèmes avec le Silvercrest et Dassault vas devoir reporter encore une fois EIS du Falcon 5X qui a déjà 4 ans de retard. La rumeur veut que pour convaincre Cessna de ne pas prendre le PW812 pour le Hémisphère, en 2016 Safran aurait offert le 50 premiers moteurs gratos.

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        • Nicholas

          c’est possible mais le Silvercrest devrait tout de même être un excellent moteur avec une architecture beaucoup moins complexe que ses concurrents qui sera beaucoup moins cher à entretenir à long terme.

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          • André Allard

            À la condition de réussir à le mettre au point, il semble que les performances du moteur soit très loin de ce qui était prévu. Le Silvercrest pourrait devenir le Silvercrisis pour Safran.

  • Excellente analyse. J’ai travailler pendant 31 ans chez un fabricant de moteur a la production et aussi l’assemblage de moteurs. Des ingénieurs avec qui on pouvait parler parfois, disaient que les moteurs nouvellement développer pouvaient être vendu au prix coûtant. Même parfois plus bas s’ils y avaient d’autres motoristes qui s’activaient fortement pour vendre leurs nouveaux produits a l’avionneur convoité.. Et ces mêmes personnes affirmaient comme mentionné au texte ci-haut, les pièces de rechanges et la remise à neuf des moteurs c’est là le plus grand profit a faire. Mais, comme il est aussi mentionné au texte pour que cette équation se matérialise il faut en vendre en très grand nombre. Donc un motoriste doit faire en sorte qu’un avionneur puisse vendre ces avions en très grandes quantités. C’est pourquoi les motoristes font des deals (qui défit souvent toute concurrence) avec les avionneurs. Tu achète mes moteurs et je vais tout faire pour que tu puisse vendre tes avions a un prix hors du commun pour occuper le plus vite possible le marché dans le créneau de ton modèle d’avions.

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    • Le prix vente de moteur identique ou similaire a plusieurs avionneurs ne veut pas dire que le même deal và être fait de manière équale a tous, selon les dires de gens impliquer chez certain motoriste. Airbus avec ces A320 neo et autres modèles de la même famille n’a pas besoin du tout d’accodement de prix comme pour la C SERIE, qui sont des avions de première génération. Le A320 et autres versions similaires sa fait déjà un bout qu’ils côtoient les oiseaux a plumes aux dessus ou dessous des nuages. Ce n’est pas un partis pris quand c’est manifestement d’avions qui sont pas tout ta fait de même créneau de marché je pense. Pour un motoriste son but premier est de vendre le plus de moteurs possibles. Et pour ce faire si des deals doivent êtres faits pour occuper le marché face a la concurrence, a mon avis aucun fabricant de moteurs ne và passer a côté d’une tels opportunité d’affaire. Quand les avionneurs/clients ont le même type d’avion de première générations à mettre en marché et qui vise le même créneau c’est sur qu’a peu prêt les deals doivent êtres similaires.

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  • Nicholas

    Quelques rectifications André:

    – CFM n’était pas seul avant le PW1000G, il y avait le V2500, fabriqué en parti par Pratt (33%), sur l’A320 qui a maintenu une part de marché de 45%, soit environ la même que le PW1000G sur l’A320neo.

    – Les marges de Boeing et Airbus ne sont pas si énorme: En 2016, Airbus Commercial Aircraft a déclaré un EBIT de 3,18% et Boeing Commercial Aircraft 4,81%

    – Boeing a calculé que le prix payé par Delta était de 23,5 M$, incluant la formation des équipages, que Boeing a estimé à 300 M$ donc 4 millions par appareils, d’où le 19,5 M$ au final.

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    • Nicholas

      Pour compléter sur le V2500, c’est le même consortium qui fabrique le PW1100G-JM. Pratt en rachetant la part de Rolls-Royce en 2011, détient maintenant 49,5% d’IAE, le reste étant détenu à part égale entre MTU Aero Engines et JAEC.

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  • LADQ: « Pour ce qui est de la liste de prix des moteurs du C Series, Pratt & Whitney n’a pas de liste de prix officielle, mais il est raisonnable de présumer qu’il n’y a pas un très grand écart avec celui de son concurrent. De là à conclure que Pratt & Whitney aurait été activement impliquée dans l’escompte consenti à Delta Airlines, il n’y a qu’un pas. …C’est pour cette raison qu’ils sont prêts à pratiquement vendre les moteurs au prix coûtant, car plus il y a un grand nombre de moteurs qui seront vendus, plus cela générera des revenus et des profits dans le futur. »

    Le prix de vente officiel d’un PW1100G serait apparemment de 12 millions de dollars. Par contre produire un moteur PW1000G coûterait présentement environ 10 millions de dollars. L’objectif à terme étant de réduire le coût de production à environ 2 millions.

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    • André Allard

      Normal que le coût de production soit actuellement à 10 M $ P&W doit elle aussi passer par le courbe d’apprentissage.

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