A220 et Air Baltic, le match parfait
C’est au tout début de 2012 qu’Air Baltic a débuté le processus d’évaluation de remplacement de ses dix B737-300 par l’A220. À cette époque, la compagnie opérait également six B737-500 et quelques Q-400 de Bombardier.
La sélection
En janvier 2012, Air Baltic venait tout de juste passer à travers une douloureuse restructuration financière. Son président et chef de la direction, M. Martin Gauss, était en poste depuis à peine un an. Il était conscient que la viabilité à long terme de l’entreprise passait par le renouvellement de la flotte de B737. Les dix B737-300 Classic étaient configurés pour transporter 144 passagers en une seule classe. Leur rayon d’action était d’environ 2 100 nm.
Quatre types d’avions étaient disponibles à cette époque : l’A319NEO, le B737MAX7, l’A220-300 (CS300 de Bombardier) et l’E-195 d’Embraer. Parce qu’il était trop petit et que son rayon d’action était trop court, l’E-190 fut éliminé rapidement. L’A220-300 se distinguait des deux autres options pour les deux raisons suivantes : Il pouvait transporter presque le même nombre de passagers que les B737-300 mais en deux classes plutôt qu’une. Mais c’est surtout le fait que son poids était inférieur d’au moins 5 tonnes qui lui donnait un avantage énorme. Air Baltic à donc délaissé L’A319NEO et le B737MAX7 à cause de leur excédent de poids.
La distance franchissable de l’A220-330 était inférieure à celles de ses deux concurrents, mais suffisante pour les besoins d’Air Baltic. M. Gauss était particulièrement impressionné par les innovations du C Series. Bien qu’il s’agissait d’un nouveau programme d’avions, il était prêt à prendre le risque. Il savait que ce pari lui donnait une longueur d’avance sur la compétition.
C’est au Salon aéronautique de Farnborough de juillet 2012 qu’Air Baltic a signé une première lettre d’intention pour 10 CS300. L’entente comportait également des droits d’achat pour dix appareils de plus. Puis, le 20 décembre 2012, la lettre d’intention devenait une commande ferme.
Le financement
Afin de financer les appareils, Air Baltic a lancé un appel d’offres auprès de compagnies de crédit-bail. La réponse des locateurs fut alors très décevante; à cette époque, la viabilité du programme était loin d’être certaine. Les compagnies de crédit-bail craignaient que les avions se déprécient rapidement après leur mise en service.
Pour fixer le montant du paiement mensuel, les compagnies de crédit-bail prennent le prix d’achat et elles soustraient la valeur résiduelle à la fin du bail. Puis elles divisent le résultat par le nombre de versement mensuels. Voici un exemple avec des chiffres pris complètement au hasard: un avion neuf qui coûterait 50 M $ à l’achat est placé en location pour huit ans avec une valeur résiduelle de 10 M $; 50 000 000- 10 000 000/ 96= un paiement mensuel de 417 000 $. Évidement il faut ajouter le taux d’intérêt et les frais d’administration qui porteraient le versement à environ 517 000$ . Maintenant, si la valeur résiduelle est plutôt de 30 M $, le même avion coûtera alors environ 284 500 $ par mois. Bien qu’imprécis, cet exemple permet d’établir la relation entre la valeur résiduelle et le paiement mensuel.
L’incertitude sur sa valeur résiduelle, incitait les compagnies de crédit-bail à tourner le dos au C Series en 2012. Pour les huit premiers A220-300, Air Baltic a utilisé le financement traditionnel avec un prêt. Mais l’arrivée d’Airbus et la prise en charge du programme A220 a complètement changé la donne avec les compagnies de crédit-bail. Pour l’acquisition des appareils 21 à 25, Air Baltic a reçu une douzaine d’offres très compétitives. Pour les compagnies de crédit-bail, le nom d’Airbus est une garantie de longévité. Il est maintenant possible d’établir la valeur résiduelle avec plus de certitude.
Le plan d’affaires.
La Lettonie est un petit pays de la mer Baltique qui compte une population de 1,9 M d’habitants. La grande région de Riga, sa capitale, compte 900 000 habitants. Les possibilités d’expansion n’y sont pas infinies, il est donc important de faire de bonnes analyses de marché.
Le choix de l’A220 permet à Air Baltic de se démarquer des autres compagnies aériennes. La compagnie lettone aime se définir comme un transporteur hybride entre les transporteurs traditionnels et les transporteurs à rabais; Air Baltic offre 12 sièges en classe affaires qui comprennent toute la gamme de services. L’arrière Air Baltic a configuré les avions avec 133 sièges tous en économie de base. Dans cette section le prix de base n’inclus que le billet, il faut payer un extra pour le reste : sélection du siège, bagage en soute, repas, boissons etc.
Le transporteur letton a passé de nouvelles commandes d’A220 à deux reprises depuis 2012. Elle en a maintenant 50 en commande fermes. Air Baltic vient tout juste de prendre possession de son 21e A220-300. En 2020 elle se délestera de ses quatre derniers B737, puis elle remplacera graduellement ses 12 Q400. Les 40 premiers A220-300 serviront surtout à augmenter la capacité et les fréquences sur les routes existantes. Les 10 suivants serviront pour de l’expansion à partir de la Lettonie.
Air Baltic a également des options d’achat pour 30 A220-300 de plus. Si la compagnie décide de les exercer, ce sera pour baser les appareils ailleurs en Europe. Le plan est de prendre de l’expansion en dehors de la Lettonie. Contrairement à ce qui avait été véhiculé, il n’est pas question de lancer un nouveau transporteur à rabais.
L’entrée en service et l’exploitation
De décembre 2014 à novembre 2016, M. Gauss dit avoir passé presque plus de temps à Mirabel qu’à Riga. Il a donc suivi de très près la fin des essais en vol et l’entrée en service de l’A220-100 avec SWISS. Il a également suivi de très très près l’assemblage des premiers appareils d’Air Baltic.
C’est le 28 novembre 2016 qu’Air Baltic a pris possession de son premier A220-300. Depuis, les performances de l’avion ont toujours été supérieures à ce qui avait été promis. Nous n’avons pas obtenu le taux de fiabilité des A220-300 d’Air Baltic, mais le taux de fiabilité de tous les appareils de la flotte est à 99,6%. Mis à part le remplacement plus tôt que prévu des moteurs, Air Baltic n’a connu aucun ennui sérieux. Elle se vante d’être la compagnie aérienne européenne la plus à l’heure.
M. Gauss espérait que la réponse des passagers à l’A220 soit positive, mais il dit qu’elle a dépassé ses attentes. Air Baltic a mené plusieurs sondages de satisfaction auprès de sa clientèle et l’élément qui ressort le plus est : dès qu’ils montent à bord, les passagers sont surpris pas la luminosité, l’espace et le rangement. Bref, les passagers son conquis avant même d’avoir bouclé leur ceinture. La grande satisfaction des passagers face à l’A220 a fait baisser le taux de satisfaction des autres avions de la flotte.
Les employés d’Air Baltic ont rapidement adopté le nouveau venu, surtout le personnel naviguant. Les employés le trouvent plus silencieux, plus lumineux et l’air y est de meilleur qualité.
Depuis l’intégration de l’A220 à sa flotte, Air Baltic est en croissance et est rentable. M. Gauss attribue à l’A220-300 une grande partie des succès que connaît Air Baltic.
A220-300 contre E2-195
En 2017, Air Baltic devait passer une nouvelle commande d’avions afin de répondre à ses besoins grandissants. L’entreprise s’est alors livrée à une nouvelle évaluation des options disponibles. L’A220 et l’E2 avait été retenus pour l’analyse finale. Sur de courtes distances, les performances et rendement économique de l’E2-195 s’approchent de l’A220-300. Mais pour des vols de 4 à 6 heures, les performances sur piste de l’E-2 réduisent sa charge payante. Le rendement économique de l’E2-195 sur ces routes est alors nettement inférieur à celui de l’A220-300.
Les contraintes opérationnelles de l’E2-195 l’auraient donc limité à une partie du réseau d’Air Baltic. Pour une compagnie aérienne de cette taille, il est plus rentable d’utiliser tous ses appareils sur tout le réseau. Son bas coût d’opération et sa plus grande distance franchissable rendent l’A220-300 plus polyvalent. C’est cette flexibilité qui a joué en sa faveur.
Les besoins futurs
Air Baltic couvre 70 destinations, elle vise les liaisons offrant à la fois suffisamment de volume en classe affaires et en classe économique.
Comme le montre la carte des destinations, toutes les liaisons d’Air Baltic sont de moins de 6 heures. Sauf pour Abu-Dhabi qui est de 6 heures 10 minutes. Les performances actuelles de l’A220-300 rencontrent tous les besoin d’Air Baltic. La compagnie aérienne n’a donc pas demandé à Airbus d’augmenter encore plus la distance franchissable de l’A220-300. M. Gauss ne voit pas d’intérêt non plus pour le développement de l’A220-500. Mais si jamais Airbus décide d’aller de l’avant avec le 500, Air Baltic l’évaluera à ce moment-là.
M. Gauss est d’avis que l’on a atteint la limite avec les turbines à gaz et engrenage pour la soufflante. Il croit que le prochain type d’avion qu’achètera Air Baltic sera à propulsion hybride.
Épilogue à propos de Martin Gauss et l’A220
La ferveur et la passion de M. Gauss pour l’A220 est exceptionnelle surtout de la part d’un président et chef de la direction d’une compagnie aérienne. En 2012, M. Gauss a pris un pari audacieux et il ne s’est pas contenté d’attendre. Il a mi énormément de temps et d’énergie à faire la promotion de l’A220. On peut penser qu’au début, en aidant à vendre l’A220 il s’aidait lui-même. Mais il continue encore à le faire avec autant d’énergie alors que la survie du programme est assurée.
Cet automne, M. Gauss a prêté à Airbus un A220-300 pour une tournée de promotion dans le Pacifique. Comme si ce n’était pas assez, il a participé à cette tournée de deux semaines. Martin Gauss est bien plus qu’un bon client pour l’A220, « c’est un client champion ». Son dévouement à en faire la promotion mérite d’être souligné.
Video
Nous vous ajoutons une petite vidéo de M. Gauss faisant une démonstration des qualités de l’A220. Hélas, j’étais trop près de M. Gauss lors de sa démonstration et on en manque une partie
Nous concluons sur cette anecdote : après la cérémonie de livraison du 28 novembre dernier, M. Gauss est seul. Je m’approche de lui en même temps que deux employés d’Airbus à Mirabel. Les deux hommes dans la quarantaine s’adressent à M. Gauss; « merci M. Gauss d’être un aussi bon ambassadeur pour notre avion! » Quelque peu surpris, M. Gauss se ressaisit et leur répond « merci de fabriquer un aussi bon avion! »
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Excellente histoire du succès commercial du C Séries/ A220
Très apprécié.
Merci André.
Ca me fait toujours plaisir d’écrire sur ce sujet.
Excellent texte sur le A220. Espérant que Dennis Muilenburg và en recevoir un en cadeau quand boeing và lui donner une pré-retraite. 😂😂😂😂
C’est une excellente suggestion de cadeau pour la retraite de M. Muilenberg. Je la retiens celle-là.
Excellent reportage. Très intéressant!
« Les employés d’Air Baltic ont rapidement adopté le nouveau venu, surtout le personnel naviguant. Les employés le trouvent plus silencieux, plus lumineux et l’air y est de meilleur qualité. »
Outre le sentiment de sécurité j’imagine…
Il y a de quoi être fier.
Merci beaucoup André!
Je suis assez surpris par le taux d’utilisation moyenne des avions d’Air Baltic. Il est très bas comparé aux autres compagnies aériennes plus traditionnelles.
Est-ce que quelqu’un sait pourquoi ils ont adopté cette politique d’utilisation réduite ?
Habituellement on dit qu’un avion ne génère de revenu que quand il est dans l’air.