AérospatialeAirbusBombardier

A220, cinq ans plus tard

Pour partager cette publication :

C’est le 10 juillet 2018 qu’Airbus a présenté le dernier de sa gamme d’avions monocouloirs à Toulouse devant les médias rassemblés. En fait, c’est le premier juillet que le géant européen avait pris le contrôle du programme CSeries ; c’est donc sous le nom d’A220 que l’avion conçu par Bombardier continuerait son développement.

Les ventes et livraisons

Pour bien des Montréalais, le 29 juin 2016 est la date où les Canadiens de Montréal ont échangé P.K. Suban. Mais pour les gens de l’aéronautique, c’est la date de la première livraison d’un C Series à Swiss. Au moment de la prise de contrôle par Airbus 36 appareils ont été livrés, huit CS100 et 28 CS300. Bombardier avait décroché 365 commandes fermes, mais plusieurs d’entre elles étaient douteuses, cliquez ici afin de lire le texte publier en juillet 2018. 

Airbus n’a pas perdu de temps pour relancer les ventes de l’A220, dès le 10 juillet, elle annonce une commande de 60 appareils de la part de Jetblue. Puis le 17 juillet, au salon aéronautique de Farnborough, c’est au tour de Breeze Airways, Moxy à l’époque, de commander 60 A220-300. Pour faire le bilan des ventes totales, j’ai préparé un tableau traçant la liste des commandes et appareils livrés au 30 juin dernier. Notez que certaines compagnies aériennes qui ont des A220 en opération n’ont pas passé de commandes auprès d’Airbus. Elles ont plutôt choisi de faire affaire directement avec une société de crédit-bail. 

A220 commandes et livraisons
A220 total commandes et livraisons

J’ai souligné en rouge les deux commandes placées par des entreprises russes. Dans le cas de GTLK, au moins quatre appareils ont été livrés. Mais je n’ai pas fait de suivi sur ces avions et si quelqu’un a des informations merci de les partager dans les commentaires. L’A220 n’est pas certifié en Russie et ais-je besoin de rappeler qu’il n’est pas près de l’être. Notez également qu’aucune compagnie chinoise ne figure sur le tableau. 

Les investissements

Depuis qu’elle a pris le contrôle de l’A220, les détracteurs d’Airbus n’arrêtent pas de dire le CSeries lui a été donné. Il est vrai que cela s’applique au coût d’acquisition du programme, mais depuis Airbus a essuyé d’importantes pertes.

La première et la plus grosse perte est liée au fait que chacun des 271 appareils livrés depuis le premier juillet 2018 a été vendu en bas du prix coûtant : tous les nouveaux programmes d’avions sont déficitaires lors des premières années de production. Habituellement, c’est près du 300e exemplaire que le programme devient rentable. Mais dans le cas de l’A220, ce sera beaucoup plus tard. En effet. La pandémie, la construction de la pré-FAL et les difficultés de certains fournisseurs auront retardé la rentabilisation du programme. De plus, pour relancer les ventes, Airbus a certainement consenti à de très généreux escomptes. Finalement, avec le lancement de la production à Mobile, le fabricant s’est retrouvé avec deux courbes d’apprentissage. 

Pour les 100 premiers A220 produits avec Airbus, on peut facilement compter un déficit 6 M$ l’unité et 4 M$ pour les 135 suivants. L’on arrive donc avec une perte de 1 140 M$ juste pour les livraisons. Par la suite, il y a eu la pré-FAL qui a sans doute coûté un autre 400 M$. Enfin, Airbus a dû se résigner à se départir de certains fournisseurs et les frais juridiques et de rupture de contrats doivent atteindre quelques centaines de millions. Bref, j’arrive à plus de 1,5 G$ et je vous assure que ce chiffre est conservateur. 

Les améliorations

À mon avis, la modification la plus importante apportée au programme est la pré-FAL puisqu’elle a un impact direct sur sa rentabilité. Cette importante modification a permis de standardiser l’assemblage de l’A220 aux normes d’Airbus. 

Trois gros fournisseurs ont causé bien des maux de tête à Bombardier et à Airbus : la cabine fabriquée par Zodiac a causé plusieurs retards. Au début surtout, alors que les panneaux de finition intérieure étaient trop minces et se brisaient facilement. Les compartiments bagages intérieurs ont également connu leur lot de problèmes. La solution aura été d’augmenter l’épaisseur des panneaux, mais au détriment de la masse à vide de l’avion qui est maintenant plus élevé. Puis dernièrement, Airbus a ajouté la gamme Airspace XL qui est également disponible sur l’A320, l’A330 et l’A350. 

Pratt & Whitney a eu de la difficulté afin d’amener sa gamme de moteurs PWG à maturité. Le pire semble derrière alors que le rythme des livraisons de moteurs à Airbus semble s’améliorer. 

Enfin, l’un des plus gros soucis était les fuselages que la compagnie chinoise AVIC devait fournir. Mais la qualité, ou plutôt l’absence de qualité était bien connue à l’interne. Je ne vous dis pas le nombre de courriels que j’ai reçu de la part d’employés de Bombardier ou d’Airbus à ce sujet. D’ailleurs, sur les 271 appareils livrés, je me demande combien ont un fuselage d’AVIC ; probablement une poignée pas plus. Dès le début de la production, Bombardier avait eu recours à sa filiale short en Irlande. Sipirit Aerosystems a acheté cette division de Bombardier puis a déménagé la production au Maroc. L’usine marocaine est maintenant le fournisseur exclusif des fuselages A220.

SeriesL’avenir

Le futur de l’A220 passe par une augmentation de cadence à 14 par mois, car c’est cette montée en puissance qui permettra de le rentabiliser. De plus, avec près de 700 avions à produire, il faut absolument être capable de livrer plus avant d’accepter des commandes importantes. 

Pour ce qui est de l’A220-500 ou A221, ma position n’a pas changé : ce n’est pas avant Le Bourget 2027 qu’il sera annoncé. Parmi les arguments contre le lancement immédiat, il y a entre autres le fait que seulement 18 compagnies aériennes exploitent l’A220 ; la base de clients n’est donc pas assez large pour espérer décrocher des commandes du 500. La barre minimum est de 25 clients et je dis bien que c’est un minimum. Or, avec la cadence actuelle, il faudra du temps pour atteindre ce seuil minimum. Mais même si Airbus ajoute dix clients de plus, mais qu’aucun d’entre eux n’a 10 A220 ou plus alors, cela ne sera pas suffisant. Pour avoir une base suffisante, il faudrait ajouter au moins trois autres compagnies aériennes totalisant 150 commandes.

Enfin, le fabricant souhaite certainement rentabiliser le programme avant d’investir à nouveau. Et comme on le constate, le lancement de l’A220-500 fait face à un problème : il n’y a pas assez de clients A220 pour le lancer. Mais la cadence de production trop lente est un obstacle à la prise de commandes importantes de la part de nouveaux clients importants. L’A220 est promis à un bel avenir, mais il faudra être patient, car il reste encore des obstacles à franchir. Mais jusqu’à maintenant, Airbus a été un très bon actionnaire.

>>> Suivez-nous sur Facebook et Twitter

6 avis sur “A220, cinq ans plus tard

  • Claude Beauchemin

    Si le A220-500 n’est pas dans les discussions ces temps-ci, le A220-300 « strech »  » est-il dans les possibilités de fabrication?
    Si oui, celui-ci pourrait-il être fabriqué à Mirabel?

    Répondre
    • André Allard

      L’A220-500 c’est le « strech » du 300. La seule autre version du 300 serait un « LR » pour long range genre 4 000 mn comme l’A321LR. Mais j’ai des doutes.

      Répondre
    • Normand Hamel

      L’usine de Mirabel a été conçue dès le départ pour accueillir une version allongée du CS300, en l’occurence le CS500.

      Répondre
      • André Allard

        Merci pour ce rappel et je me rend compte que je n’ai pas vraiment répondu à la question de Claude. En effet, le CS500 était également dans les plans de Bombardier.

        Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *