C Series, le plan B de Delta Airlines
Au cours des derniers jours, deux annonces importantes à propos de Delta Airlines ont eu lieu qui pourraient avoir un impact important sur la commande de 75 C Series placée en avril 2016 par le transporteur américain.
La première nouvelle est la possibilité qu’Aeromexico, dont Delta détient maintenant 37% des actions, achète les 15 premiers CS 100 destinés à Delta Airlines. Afin de voir comment les CS100 pourraient être utiles à Aeromexico, jetons un coup d’œil sur sa flotte actuelle dont nous avons exclue les appareils Embraer puisqu’il sont opérés par sa filiale régionale.
Type | Nombre | Âge moyen |
737-700NG | 17 | 12.5 |
737-800NG | 37 | 8.4 |
777-200ER | 3 | 13.5 |
787-8 | 9 | 2.8 |
787-9 | 5 | 0.5 |
Total Boeing | 71 | 8.2 |
Le premier constat est que la flotte d’Aeromexico est plutôt jeune et que son plus petit appareil le B737-700 est tout de même plus gros que le CS100. On constate aussi que cette compagnie n’utilise que des avions Boeing dans sa flotte alors que les Embraer sont utilisés par sa filiale régionale. Donc l’arrivée du C Series dans la flotte d’Aeromexico ne servirait pas à remplacer des appareils existants. En 2012, Aeromexico a passé une commande de 60 B737-MAX afin de moderniser sa flotte, ce qui veut dire qu’elle ne devrait pas avoir besoin de passer une autre commande.
Officiellement, Aeromexico évalue la possibilité d’acheter soit des CS100 ou des E195-E2, mais si Delta lui transfère une partie de sa commande au prix qu’elle a négocié, Embraer aura beaucoup de difficulté à descendre aussi bas pour seulement 15 appareils. Une fois les CS100 livrés à Aeromexico, ils pourraient être utilisés sur des routes nord-sud qui font l’affaire de Delta Airlines.
La deuxième nouvelle qui pourrait avoir un impact sur les livraisons de C Series, est celle de la création d’une coentreprise entre Delta Airlines et WestJet. Il est important de préciser que cette entente ne prévoit pas la création d’une nouvelle compagnie aérienne, mais bien le partage des liaisons. Afin de voir comment cette entente peut avoir un impact sur le C Series, nous allons jeter un coup d’œil sur la flotte de WestJet, dont nous avons exclu les Q400 de WestJet Encore, puisque ces derniers sont dans une catégorie différente.
Type | Nombre | Âge moyen |
B737-600NG | 13 | 11.5 |
B737-700NG | 56 | 10.5 |
B737-800NG | 46 | 6.0 |
B737-MAX 8 | 2 | 0.0 |
B767-300ER | 4 | 25.0 |
Total | 121 | 9.9 |
On remarque au sein de la flotte de WestJet, la présence de 13 B737-600NG dont la moyenne d’âge n’est pas très élevée et qui sont configurés à 113 places ce qui les classe dans la même catégorie que le CS100 de 110 passagers tels que commandés par Delta Airlines. Si les B737-600NG de WestJet ne sont pas très âgés, leur performance économique est tout simplement horrible. Pour vous donner un aperçu, à ce jour Boeing a livré 6 962 B737NG, mais seulement 69 exemplaires de la version B737-600NG. Si je peux me permettre une métaphore, comparer les performances du B737-600NG à celles du CS100 reviendrait à comparer les performances d’un alcoolique à celles d’un marathonien, bref leur consommation respective fait fois de tout.
Si Delta Airlines offrait à WestJet de prendre des CS100 au prix d’avril 2016, la tentation d’accepter l’offre serait très forte. WestJet pourrait alors jouer la carte patriotique tout en se dotant d’un appareil capable de desservir n’importe quelle ville américaine à partir de Calgary et Toronto. En prime, elle obtiendrait la collaboration de Delta Airlines pour alimenter ses B787 afin de mieux concurrencer Air Canada.
Où se situe l’intérêt de Delta Airlines dans cette histoire ? Selon les informations obtenues, les relations entre Delta Airlines et Boeing se seraient beaucoup détériorées au cours des derniers mois, les deux compagnies en seraient maintenant rendues au œil pour œil dent pour dent. Puisqu’elle ne peut utiliser les C Series elle-même en sol américain, Delta Airlines aurait décidé d’utiliser son influence auprès des autres transporteurs afin de placer les appareils tout en ayant un certain contrôle sur les routes où ils seront déployés. Delta serait très préoccupée par le fait qu’à partir de 2019, Air Canada commencera à recevoir ses CS300 qu’elle pourrait utiliser afin d’intensifier la concurrence qu’elle mène à Delta pour la clientèle transatlantique et transpacifique.
Aeromexico et WestJet sont des compagnies dont les flottes sont exclusivement composées d’avions de Boeing; en y transférant ses C Series, Delta Airlines fait entrer un cheval de Troie puisqu’une fois l’entente entre Bombardier et Airbus complétée, l’équipe de vente d’Airbus pourra alors tisser des liens avec ces deux nouveaux clients. La direction de Boeing doit rager à l’idée de voir deux de ses clients les plus loyaux faire affaire avec Airbus. Mais l’influence de Delta Airlines va bien au delà de ces deux compagnies; elle a une participation dans les compagnies aériennes Air France KLM, Virgin Atlantic Airways et China Eastern Airlines. Elle est aussi la compagnie pivot de l’alliance Skyteam dont sont membres entre autres : Aéroflot, Aeromexico, Air France, China Airlines, China Eastern Airlines, China Southern, KLM, Korean et Vietnam Airlines pour ne nommer que les plus grosses compagnies.
Comme on peut le constater, le réseau d’influence de Delta Airlines est très bien établi et si elle parvenait à convaincre plusieurs de ces compagnies pour qu’elles tiennent tête à Boeing, les dommages pourraient être considérables à long terme pour cette dernière. Pas besoin pour ces compagnies de faire des déclarations, il leur suffit tout simplement de remplacer leurs vieux B737 par des C series, sans tambours ni trompettes et Boeing aura alors gaspillé beaucoup d’effort afin de tuer le C Series.
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Très bon article! Par contre, la seule chose qu’on sait vraiment, hors de tout doute, est qu’AeroMexico a examiné de long en large le Cseries la semaine passée. À partir de cela, on peut tirer toutes les hypothèses du monde et imaginer Delta ourdir toutes sortes de complots mais qu’Est-ce qu’on a de tangible? Peu, trop peu, en tout cas pas assez pour conclure mais ça reste tout de même des possibilités qui se tiennent. On verra si AeroMexico finit par commander et si ce sont les avions commandés initialement par Delta qui se ramassent au sud de l’oncle Sam.
Il y a tant de considérations dans ce dossier, que ça donne le tournis! J’en ajoute deux autres ici, qui n’ont pas été encore mentionnées, pour illustrer la complexité de la chose (et il ne faut pas se fier aux Américains pour prendre en compte toute cette complexité).
1 – Il y a une volonté réelle du gouvernement mexicain pour libéraliser les liaisons aériennes au Mexique. Les grandes villes mexicaines, à l’exception bien entendu de Mexico, sont relativement mal desservies. Et le Mexique, c’est grand, bien plus qu’on ne se l’imagine en général. Partant, un petit appareil ayant un long rayon d’action peut certainement se trouver une niche au Mexique pour ouvrir de nouvelles destinations pour Guadalajara, Monterrey, Quéretaro, etc. Un point pour le CSeries.
2 – Il y a cependant un effet de « solidarité latine » qui joue en faveur d’Embraer au Mexique. Les relations entre le Mexique et le Brésil sont bonnes et avec l’imbécile de Trump à la Maison Blanche, pas question pour le Mexique de s’aliéner un important allié comme le Brésil. Et l’appareil offert par Embraer offre des performances similaires au CS100. Un point en faveur d’Embraer.
Bref, ce n’est pas moi qui va parier sur les chances du CS100 au Mexique.
Avec 37% des actions d’Aeromexico, Delta est le plus gros actionnaire. Il ne faut pas sous-estimer son pouvoir d’influence qui est très grand.
Le contexte de l’ALENA est également à considérer. Le Mexique doit se « coller » au Canada. Il y a donc une « solidarité nord-américaine » qui joue en faveur de la CSeries.
L’article est excellent, pertinent et nécessaire. Il y a tellement de confusion autour de cette affaire!
Pourquoi Aeromexico exploite-t-elle des Embraer plutôt que des CRJ s’il existe une « solidarité nord-américaine » ?
L’achat a été fait bien avant les renégociations actuelles. Si le fait d’acheter des avions d’Embraer est lié à la solidarité sud américaine, alors cela reviendrai à dire que 1600 E-jet ont été vendus simplement par sympathie ou pour supporter le Brésil. Peut-être qu’Aeromexico a acheter des E-Jets pour les mêmes raisons que ses compétiteurs, il est pas chères et facile à rentabiliser.
En effet, cette « solidarité nord-américaine », qui favoriserait BBD, est circonstancielle. Le Mexique et le Canada doivent se tenir au coude à coude dans les négociations actuelles de l’ALENA; c’est primordial pour les intérêts des deux pays vs le protectionnisme américain.
Ceci étant dit, il faut bien reconnaître que l’Amérique latine est le marché naturel d’Embraer. Je crois que BBD ne s’attend pas à y vendre beaucoup de CSeries.
Et ont fais travailler les mexicains ..avec notre usine là-bas !!!
Incorporer une petite quantité de Cseries chez Westjet aurait encore moins de sens économiquement que les 737-600. Ces derniers, même s’ils consomment plus, sont utiliser sur des lignes moins fréquentés et n’importe quel équipage peut les utiliser. Très peu probable selon moi.
Pour Aeromexico, ils ont déjà un plan pour réduire le nombre de 737-700 et les remplacés par des 737-800 et/ou 737-8, ils sont passé à 16 en septembre et devrait descendre à 13 au début 2018 si le plan est respecté.
Bombardier a utilisé un CS300 comme démonstrateur pour Aeromexico, je ne serais pas surpris que ce soit l’appareil choisi si tel est le cas pour remplacer les 737-700 restant ou sinon des CS100 pour remplacer des E190 (C11Y88) chez Aeromexico Connect.
Le problème Nicholas, c’est qu’aeromexico n’a pas besoin de remplacer aucun des avions qu’il possède, les E-190 ont à peine huit ans d’âge. Le commande de 2012 avait été placé dans un contexte où le prix du carburant était très élevé.
8 ans c’est une moyenne, les plus vieux E190 ont près de 15 ans et les 2/3 ont 10 ans et plus.
Une chose semble claire: Boeing a mal calculé sa bataille contre la CSeries. L’entreprise a décidé de faire le bully, et doit se rendre compte aujourd’hui qu’elle s’est fait des ennemis un peu partout: chez les transporteurs, les gouvernements étrangers, plusieurs entreprises américaines, ainsi que la bataille de l’opinion publique.
puis ils continuent à faire la puiblicité au Canada… en chaque fois j’entends « How does Boeing measure its commitment to Ca… » dans radio, je change la chaîne..
La prochaine stratégie pour Delta et les futurs clients du CSeries aux USA, c’est de signer un traité ciel ouvert comme celui en UE en Amérique du Nord à tout le moins qui permettra n’importe quel cie aérienne Nord-Américaine d’opérer n’importe où en AN avec n’importe quel avion en autant qu’il soit immatriculé dans un pays signataire.
Ce sera très difficile sous l’actuel présidence
Tout passe par le congrès et Trump n’a pas 20% d’appuis et donc ne peut imposer un décrès parce qu’il sera annulé par le capitol. Le traité ciel ouvert est un truc qu’aiment les hommes d’affaire donc Trump sera peut-être pas contre totalement.
Aux USA, c’est le président qui a la pouvoir de négocier les traités internationaux, mais ce sont les sénateurs qui ont la responsabilité des échanges commerciaux. Un très bel exemple d’ambiguïté juridique, d’ailleurs si Donald Trump décidait de mettre un terme à l’ALÉNA, les sénateurs se dépêcheraient de contester cette décision devant les tribunaux avec comme argument que cela nuira au commerce international qui est de leur juridiction.
Mais si le gouvernement canadien et ou Mexicain décide de mettre fin à l’accord, alors les sénateurs américains n’y peuvent rien, cela explique pourquoi les négociateurs américains font tout pour exacerber les deux autres pays, l’objectif étant de les pousser à rompre les négos et et qu’ils mettent fin eux mêmes à l’ALÉNA.
En 2016, l’IATA prévoyait une augmentation du trafic aérien qui pourrait doubler d’ici une vingtaine d’années. La Chine et les États-Unis sont les deux principaux marchés quant à l’augmentation du nombre de passagers.
On constate actuellement que les transporteurs aériens sont à élaborer des stratégies de positionnement afin de maintenir ou d’augmenter leur part de marché. Même chose chez les gestionnaires d’aéroports. Les transporteurs aériens doivent donc augmenter la taille de leur flotte respective.
http://airinfo.org/2016/10/22/iata-le-trafic-aerien-pourrait-doubler-dici-20-ans/
Les plans de développement devront aussi composer avec la CORSIA (régime environnemental) qui s’activera en 2021. La CSeries en est le héros!
http://airinfo.org/2016/10/07/le-transport-aerien-s-engage-pour-une-croissance-carbone-neutre/
Jusqu’à fin novembre, Bombardier a livré 14 C Series cette année. Donc il faut livrer 6 autres avions en décembre.
L’objective va être très difficile à atteindre.
Malheureusement, le processus de livraison prend du temps. Il me semble que vingt livraisons en 2017 ne sera pas possible. On est déjà le 7 décembre et la fin de l’année arrive vite.
Si tout se passe bien, le E190-E2 sera certifié pendant le premier trimestre 2018. À partir de ce point, la situation va devenir bien plus compliquée pour le CS100.
Je crois qu’il ne faut jamais sous-estimer les E-Jets E2.
Tu a raison sous-estimer E-jETS c’est bon apparail !
. Puisqu’elle ne peut utiliser les C Series elle-même en sol américain, Delta Airlines aurait décidé d’utiliser son influence auprès des autres transporteurs afin de placer les appareils tout en ayant un certain contrôle sur les routes où ils seront déployés.
Pourquoi Delta a commandé ces avions si elle ne peut les utiliser?
Quand Delta a passé la commande il n’y avait pas de droits compensatoires. Depuis le mois de septembre les droits compensatoires de 300% s’appliquent sur les C Series qui seront livrés à une compagnie américaine. Mais si ce sont des compagnies Canadiennes ou mexicaines qui prennent les avions alors il n’y a pas de droits compensatoires
.
Autre argument en faveur de l’équation « ADACS » (Alena, Delta, Aeromexico, CSeries) :
« Pour l’aviation, le scénario protectionniste réduirait la croissance annuelle à seulement 2,5 %. Non seulement cela diminuera le nombre d’emplois en aviation, mais cela nous limitera à 5,8 milliards de voyageurs en 2035, plutôt que 7,2 milliards. L’impact économique qui s’ensuivra aura une grande portée et sera durement ressenti », a commenté M. de Juniac.
Extrait de : http://airinfo.org/2016/10/22/iata-le-trafic-aerien-pourrait-doubler-dici-20-ans/
Les transporteurs aériens ont intérêt à ce que les traités de libre-échange fonctionnent. Ils ont à démontrer que les mesures protectionnistes de type Boeing/DOC ne sont pas efficaces et qu’elles peuvent être contournées.
Pas sûr qu’un « open skies » avec les États Unis serait une bonne idée!
Les aéroports US sont subventionnés, et les transporteurs paient beaucoup moins de taxes qu’ici.
Les transporteurs Américains (via leurs hubs subventionnés) ne feraient qu’une bouchée de AC, WJ etc.