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Bombardier contre Boeing ou Trudeau face à Trump?

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À la fin des années soixante et durant la décennie 70 alors qu’il était dirigé par Trudeau père, le Canada gardait une distance par rapport à son puissant voisin et allié américain. Entre autres choses, Pierre-Elliott Trudeau maintenait de bonnes relations diplomatiques avec Cuba au grand dam des États-Unis. À son tour, alors qu’il était premier ministre, Jean Chrétien a maintenu la doctrine trudeauiste en ne participant pas à l’invasion de l’Iraq aux côtés des USA, au grand déplaisir du président Bush ainsi que du Parti conservateur du Canada.

 

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et son ardent désir de renégocier l’ALÉNA pose cependant un défi important pour le premier ministre canadien qui désire maintenir la doctrine de son père et garder ses distances face au géant économique du sud. Les méthodes de négociation de l’actuel président américain étant sans doute mieux adaptées à un combat entre sumos japonais qu’à une séance de négociation entre diplomates forcent donc le premier ministre Trudeau à trouver une façon de poser le pied à terre sans provoquer son opposant.

 

Lorsque Boeing a déposé sa plainte de dumping contre Bombardier, le bureau du premier ministre Trudeau s’est sans doute livré à une analyse des tenants et aboutissants et surtout de son impact global. Fait exceptionnellement rare dans le système politique canadien, c’est le bureau du premier ministre qui a pris en charge le dossier et ce, dès les premiers jours. L’exception est d’autant plus surprenante qu’à la base il s’agit d’un litige commercial entre deux entreprises; dans le dossier du bois d’œuvre par exemple, ce sont les ministres qui ont eu la responsabilité des négociations.

 

L’attitude du premier ministre, face à la plainte de dumping de Boeing est très ferme et sans équivoque; les négociations en vue de l’achat imminent par le Canada de 18 avions de chasse du constructeur américain ont été immédiatement interrompues après le dépôt de la plainte de Boeing en avril. Toutes les tentatives de Boeing afin de reprendre le contact avec le Canada depuis se sont heurtées à un mur de silence.

 

La semaine dernière, le président de Boeing International y est allé d’une tentative d’intimidation en mentionnant que la plainte de dumping ne sera pas retirée et que si le conflit perdure, ce sont les entreprises en aérospatiale canadienne qui en souffriraient le plus. La réplique du premier ministre canadien n’a pas tardé ; il a fait un appel au gouverneur du Missouri, là où sont fabriqués les avions de chasse de Boeing, afin de rappeler à ce dernier que des emplois américains sont également en jeu.

 

Le ton et l’attitude fermes de Justin Trudeau au sujet de la plainte de Boeing contre Bombardier lui permettent de mettre le pied à terre et d’envoyer un message clair quant à son intention de se tenir debout en matière de commerce avec les États-Unis. Bien que le président américain ne se soit pas impliqué personnellement dans le dossier, vous pouvez toutefois être certain que ce dernier, ainsi que son entourage, suivent la situation de près et que les faits et gestes du premier ministre Trudeau sont observés.

 

Sans doute que le premier ministre Trudeau a déduit que s’il ignorait la plainte de Boeing contre Bombardier et qu’il laissait faire, il enverrait le message au président américain qu’il suffisait de mettre le poing sur la table pour obtenir ce qu’il veut du Canada. La plainte de dumping de Boeing a donc offert une poignée en or au premier ministre canadien afin de faire une démonstration de fermeté. D’une certaine manière, on peut dire que le sort des négociations sur le renouvellement de l’ALÉNA est lié celui de la plainte de dumping de Boeing.

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4 avis sur “Bombardier contre Boeing ou Trudeau face à Trump?

  • Eric Tremblay

    Très bonne analyse de la situation M. Allard.

    Effectivement que le gouvernement Canadien ne peux pas laisser tomber Bombardier dans ce « bullying » de Boeing, sinon ça va être la galère pour le NAFTA et le bois d’oeuvre. (Heureusement que Trump n’a pas pris publiquement position dans ce dossier; il ne considéra donc pas ça comme un affront personnel le cas échéant).

    Si Boeing gagne la partie (ie DÉCISION POLITIQUE du Dept du Commerce américain), ça va effectivement fermer le marché américain pour le CSERIES.

    Pourquoi pas alors avoir un programme canadien similaire à « Buy America » pour tous nos achats militaires + tous les achats gouvernentaux … (Sinon, acheter du matériel européen si c’est plus aventageux.)

    ————————————–

    Wow, en observant la façon que les américains traitent leurs amis, je demande de quelle façon ils traitent leur ennemis..

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    • André Allard

      On dis souvent « tel père tel fils », ce qui veut dire que Justin Trudeau tient à garder ses distances des USA alors qu’il est forcé de renégocier l’ALÉNA qui est l’oeuvre du gouvernement Mulroney en plus. À mon avis Boeing peut faire une croix sur la commande de 18 Super Obsolète car le Canada va acheter les F18 usagés de l’Australie, ce qui lui permet de gagner beaucoup de temps et de négocier avec d’autres fournisseurs dont Dassault. Boeing doit donc réfléchir au remplacement des quelques 75 avions de chasse, les 5 Polaris et les 18 Auroras.

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  • CJustice

    Le Canada devrait proposer d’acheter des Super Hornet à prix de dumping, 22 millions us 😉
    Plus sérieusement le Canada devrait:
    1-Appel d’offre international pour le remplacement des CF18
    2-Exiger des retombées maximales au Canada.
    3-Exiger une plateforme que le Canada peut développer.

    Que le meilleur gagne!

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  • Le gouvernement Britanique sera dans le ring du coté de Justin Trudeau. La Grande Bretagne a demandé à Boeing de retirer sa plainte car elle menace près de 5 000 emplois en Ireland. http://www.reuters.com/article/us-boeing-bombardier-britain/britain-pushes-boeing-to-drop-its-bombardier-challenge-idUSKCN1BM2TY
    L’enjeu pour le gouvernement de Mme May est important et Boeing vient de se mettre à dos un autre gouvernement. Il y a beaucoup de commerce entre la GB et les USA. J’aimerais bien que les cies aériennes Britaniques et Canadiennes expriment à Boeing leurs insatisfactions de son comportement. Les 2 pays remplissent les poches de Boeing et ce dernier les traite avec arrogance.

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