Aérospatiale

Cap sur l’Europe pour l’industrie aérospatiale québécoise

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C’est le 22 juin prochain que s’ouvrira la 55e édition du salon aérien du Bourget. Comme c’est maintenant la tradition, Aéro Montréal et le gouvernement du Québec seront présents. Mais cette année, la participation des entreprises d’ici revêt un caractère bien particulier. Voici pourquoi :

La trahison

En Europe, le mot trahison a été utilisé à plusieurs reprises afin de qualifier le réalignement des États-Unis avec la Russie plutôt qu’avec ses alliés traditionnels de l’OTAN. Et pour cause, la sécurité du vieux continent reposait en grande partie sur le soutien américain. Mais voilà que du jour au lendemain, les É.-U. votent aux côtés de la Russie contre l’Europe aux Nations-Unies et laissent tomber l’Ukraine. Puis à la fin d’une triste semaine, c’est avec effroi que les anciens alliés ont assisté à la mise en scène de la Maison-Blanche dont le seul but était d’insulter et de rabaisser le président ukrainien Volodimyr Zelensky. L’Europe a donc pris conscience du péril qui la guettait et de la nécessité d’agir rapidement.

Les pays membres de l’OTAN ont toujours été de gros clients de l’industrie militaire américaine où ils pouvaient facilement s’approvisionner. La confiance entre les pays membres faisait en sorte que l’on ne craignait pas de voir les secrets entourant les armes achetées ou vendues se retrouver entre les mains de l’ennemi. Mais depuis deux semaines, c’est plutôt la méfiance qui s’est installée. Il faut dire que la désinvolture avec laquelle Donald Trump gère les informations classées secrètes et top secrètes en rajoute une couche: imaginé que dans un monde idéal, l’actuel président termine calmement son mandat et rentre chez lui paisiblement en janvier 2029. Pour avoir accès aux secrets les plus importants des États-Unis, il suffira d’acheter une carte de membre à Mar El Lago et de visiter souvent les toilettes.

Bref, les pays membres de l’OTAN se voient forcés de retirer leur confiance envers les États-Unis et son matériel militaire.

Les perspectives pour aérospatiale américaine

L’impact le plus visible à court terme pour l’industrie aérospatiale des États-Unis sera la perte de commandes auprès des pays qui lui auront retiré leur confiance. Mais il faut également prévoir que des commandes déjà placées soient annulées elles aussi en invoquant la clause de sécurité nationale. Comprenez-moi bien, ce n’est pas la fin de l’industrie aérospatiale américaine qui va demeurer dominante au cours des prochaines années. Mais elle risque fort de reculer au cours de la prochaine décennie et au mieux elle stagnera.

L’effet Trump

Je me suis livré à une analyse exhaustive des connaissances de Donald Trump en matière de stratégie militaire, du matériel de défense et de sa capacité d’analyse : c’est sans aucune hésitation que je lui accorde le titre d’amiral de bateau-lavoir. La plus grande armée du monde et son complexe militaro-industriel sont maintenant sous la gouverne d’un amiral de bateau-lavoir qui prétend tout savoir mieux que quiconque et qui n’écoute justement pas ceux qui savent. C’est donc sous sa direction que les prochaines grandes décisions en matière d’orientations stratégiques seront prises. Je prends pour exemple le programme NGAD qui signifie next generation air dominance et qui comprend le développement d’un chasseur de sixième génération. C’est en 2025 que la US Air Forces doit déterminer l’entreprise sélectionnée comme maître d’œuvre de ce projet dont le coût va se chiffrer en centaine de milliards de dollars. Si l’on se fie aux premiers mois de son administration, l’on peut s’attendre à ce que l’amiral et sa suite veuillent mettre leurs grosses pattes dans le projet et placent leurs amis à des postes importants afin « d’en faire un bon suivi ». Et que se passerait-il si l’amiral venait à apprendre que des entreprises canadiennes ont été choisies comme fournisseurs du programme?

J’ajouterai que dans les premières semaines de son arrivée au pouvoir, l’amiral a envoyé ses sbires chez Boeing afin de mettre de la pression et accélérer le remplacement d’Air force One. Le commandant en chef veut son nouveau jouet et ça presse! Alors le reste passe en deuxième. On voit très bien où sont ses priorités. On peut donc en conclure que pour les membres d’Aéro Montréal, il n’y a pas grand croissance à espérer au sud de la frontière.

Et Boeing

Pas la peine de revenir sur tous les déboires qu’a connus l’avionneur depuis 2018. Mais je vous livre quelques petites statistiques qui en disent long. Depuis son lancement, le MAX totalise 8 252 commandes brutes et de ce nombre 2 519 proviennent de compagnies américaines soit 31% du total. Du côté des livraisons, il y en a eu 1 720 dont 758 aux États-Unis pour une proportion de 44%. On constate donc qu’à la suite des problèmes du MAX, les compagnies étrangères se sont montrées réticentes à prendre livraison des avions commandés. Tenant compte du contexte de la guerre tarifaire tous azimuts que livre l’amiral, les nouvelles commandes et prises de possession à l’extérieure des USA devraient à tout le moins stagner sinon régresser. Ajouté à cela le fait que Boeing cumule déficit par-dessus déficit, ce qui la rend encore plus vulnérable à une récession même si elle se limitait aux États-Unis.

Les perspectives de l’autre côté de l’Atlantique

La situation en Europe est maintenant beaucoup plus propice à la croissance. Et puisqu’une image vaut mille mots en voici une : elle contient le graphique de la valeur marchande, des titres, de six grands acteurs du secteur aérospatial et en particulier dans la défense. À gauche on retrouve Grumman, Lockheed et Raytheon. À droite, il y a Airbus, Dassault ainsi que Thales. Les graphiques portent sur six mois afin de mesurer l’impact de la victoire de Donald Trump sur cette industrie.

entreprises secteur aérospatial
entreprises secteur aérospatial

Pour la période de référence, le rendement des trois compagnies américaines est négatif à 6,35% tandis que du côté européen c’est plutôt un rendement moyen de 51,7%. Notez l’explosion des deux dernières semaines faisant suite aux frasques de l’amiral. Bref, les marchés boursiers ont compris que l’annonce d’un programme d’accélération des dépenses militaires de l’Europe dont le coût sera de 800 milliards d’Euros sera bénéfique pour les industries de ce secteur. Il y a un dicton américain qui dit « money talk » et depuis quelques semaines, le capital s’exprime avec clarté.

La bonne nouvelle pour les entreprises d’ici, c’est qu’il y a urgence d’agir et il faudra sélectionner les fournisseurs capables de suivre. Les fabricants qui ont déjà des ententes avec des donneurs d’ordre seront en bonne posture afin de décrocher de nouveaux contrats. De plus, les gouvernements du Canada et du Québec mettent en place des programmes afin de soutenir les compagnies qui désirent faire une transition vers de nouveaux marchés. Il sera donc intéressant de voir quelle sera la taille de la délégation québécoise au Bourget.

Le SCAF, une opportunité à ne pas manquer

L’acronyme SCAF est pour système de combat aérien du futur. Il comprend entre autres des drones, des missiles de croisière et bien entendu un chasseur de sixième génération. Dassault en est le maître d’œuvre tandis qu’Airbus, Indra Sistema, MTU, MBDA, Safran et Thales y participent. Ce programme est une opportunité pour le Canada afin de moins dépendre du bon vouloir de l’Oncle Sam pour la défense de notre territoire. Au cours des prochains mois, le prochain ministre de la Défense ainsi que celui de l’Innovation, des sciences et du développement économique auront une brève fenêtre d’opportunité afin ajouter le Canada à la liste des pays participants. Un engagement de quelques dizaines de milliards pourrait faire une différence énorme pour notre sécurité militaire et économique dans les années à venir.

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3 avis sur “Cap sur l’Europe pour l’industrie aérospatiale québécoise

  • Jacques Robidoux

    Bravo ne plus acheter d’avion des USA prouvera aux américains que Trump est un imbecile.

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  • Marcel John

    À quand l’annulation du contrat des F-35 ???

    Répondre
  • Marcel John

    Est-il trop tard pour bloquer la vente de Héroux-Devtek aux américains ???

    Répondre

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