2022, une année décisive pour Air Transat
Le premier trimestre de l’année fiscale 2022 d’Air Transat* prendra fin le 31 janvier prochain. En début décembre, lors du dévoilement des résultats de 2021, la direction avait donné des prévisions pour la saison hivernale. Ainsi, Air Transat prévoyait qu’à la fin de mars 2022, son offre globale serait rétablie à 75 %. La compagnie anticipait également offrir 45 % plus de capacité vers les États-Unis et être à 65 % vers l’Europe. Évidemment, cela était conditionnel à ce que la pandémie ne revienne pas faire de nouveaux ravages. Hélas pour elle et toute l’industrie du voyage, c’est le plus mauvais scénario qui s’est concrétisé.
Le variant Omicron aura donc eu un impact négatif sur toute l’industrie du transport aérien. Dans ce texte, je me penche sur la situation actuelle et à venir d’Air Transat.
La capacité
C’est à la toute fin du mois de juillet dernier qu’Air Transat a repris ses opérations aériennes. Cette reprise progressive s’est traduite par une augmentation du nombre de vols jusqu’en décembre. Puis le resserrement des mesures sanitaires est venu perturber la reprise en janvier. J’ai préparé un graphique qui montre le nombre de vols par mois effectués et prévus. Il va de juillet à mars et j’ai également incluse les données de juillet 2019 à mars 2020. Cela permet de faire un comparatif.
Remarquez que le nombre de vols à l’horaire pour mars de 2022 qui est encore très élevé : Autrefois, la planification des compagnies aériennes était relativement stable jusqu’à neuf mois à l’avance. La pandémie leur a appris à gérer les horaires un mois à l’avance. Au cours des prochaines semaines, il faut s’attendre à ce que l’offre de mars soit fortement revue à la baisse. Même s’il devrait y avoir un relâchement des mesures sanitaires à l’entrée au pays, il faudra plusieurs semaines avant que les passagers ne reviennent.
La capacité n’est qu’un indicateur de la performance d’une compagnie aérienne, l’autre indice important est le taux d’occupation. En utilisant les données de l’ACSTA sur le nombre de passagers contrôlés, on peut faire une extrapolation. Au mieux, le taux d’occupation moyen des vols de toutes les compagnies a atteint 80 % l’automne dernier. Puis il est rapidement redescendu à 50 % et moins lors des dernières semaines. Le trimestre sera donc fortement déficitaire pour Air Transat.
Les liquidités
Au 31 octobre 2021, Air Transat avait une trésorerie ou équivalent de trésorerie de 433 M$. De cette somme 128 M$ provenaient des paiements faits à l’avance par les passagers. Il faut s’attendre à ce que la compagnie doive en rembourser au moins la moitié. C’est près de 65 M$ qui seront retirés de ses coffres. Relancer les opérations est une phase qui consomme beaucoup de liquidité, le déficit opérationnel devrait dépasser les 50 M$. Au total, la trésorerie devrait reculer de 110 M$ à 130 M$ pour se situer à 300 M$.
Le voyagiste possède également des facilités de crédit lui permettant d’aller chercher un autre 170 M$. Au niveau des liquidités, Air Transat possède encore une très bonne marge de manœuvre. Advenant une reprise de la demande à l’été, les réservations viendront gonfler ses coffres au deuxième trimestre.
Les emprunts
Au total Air Transat a pour 820 M$ de facilité de crédit dont 650 M$ sont déjà utilisés. Elle a également obtenu de ses créanciers un relâchement des critères d’endettement et ratios financiers. Cette exemption est valide jusqu’à la fin d’octobre 2022 et devra être renégociée. En avril 2021, elle a obtenu une aide de 700 M$ en vertu du programme de Crédit d’urgence pour les grandes entreprises (CUGE). Cette aide se décompose en trois prêts :
Une tranche de 78 M$ d’un prêt garanti venant à échéance le 29 avril 2023. Le taux d’intérêt est comporte une prime de 4,5 % par rapport au taux bancaire de base. Au 31 octobre, la compagnie en avait utilisé 44 M$.
Une autre de tranche est un prêt non garanti de 312 M$ et doit être utilisée avant le 31 octobre prochain. Ce prêt vient à échéance le 29 avril 2026. Le taux d’intérêt est de 5 % la première année, 8 % la deuxième année, puis il augmente de 2 % par année après. Les intérêts de ce prêt peuvent être remboursés en partie sous forme de capital-actions. Au 31 octobre dernier, 176 M$ avaient été utilisés.
La dernière partie du CUGE est un prêt non garanti de 310 M$ à un taux d’intérêt de 1,22 %. L’échéance est le 29 avril 2028 et Air Transat l’a utilisé en entier afin de rembourser ses clients.
La compagnie a également deux autres ententes de crédit de 50 M$ et 70 M$. Les deux prêts seront échus le 29 avril 2023 et sont pleinement utilisés. Ces deux emprunts comportent une prime d’au moins 4,5 % sur le taux de base.
La renégociation
Au cours de 15 prochains mois, Air Transat devra renégocier une bonne partie de ses emprunts. Le choix de Patrick Bui comme V. P. finances est sans doute en lien avec cette situation. En effet, M. Bui a passé une partie de sa carrière dans le milieu financier de Bay Street. Ses connaissances et ses contacts lui seront très utiles pour la réorganisation de la dette.
L’importante période estivale
Même si le gouvernement fédéral finissait par entendre raison et finissait par lever les restrictions sanitaires, le printemps est déjà presque entièrement perdu. N’oubliez pas qu’il faudra du temps pour relancer les réservations et les vols. Rentabiliser cette période semble donc peu probable pour Air Transat.
La saison des vols transatlantiques est traditionnellement la période la plus rentable du voyagiste montréalais. Cette année sera encore plus importante, car après une longue disette elle doit absolument générer des liquidités. C’est bien beau d’avoir une marge de manœuvre, mais elle ne peut pas être grugée à coup de centaines de millions indéfiniment.
La concurrence
À partir de l’été 2022, il y aura trois compagnies aériennes à bas prix en opération au Canada. Heureusement pour Air Transat, les trois vont passer la majeure partie de l’été dans l’Ouest. Du côté de l’Europe, elle sera à son niveau habituel sauf pour TAP, cette dernière utilisera des A321LR sur Montréal-Lisbonne. La compagnie canadienne aura donc la possibilité de confronter TAP directement avec ses A321LR. Si la pandémie ne revient pas la hanter, Air Transat aura tous les ingrédients pour faire des profits l’été prochain.
Lorsque l’automne arrivera, les trois transporteurs à bas prix canadiens vont devenir un facteur important. L’avantage de Transat c’est qu’elle offre des forfaits tout inclus et à très bon prix. Cela devrait lui permettre de rivaliser pour le Mexique et les Caraïbes. Pour les destinations dans le sud des États-Unis, ce sera une autre paire de manches. Il faut s’attendre à des prix extrêmement bas pour la Floride, le Nevada et la Californie. Si elle est disciplinée, l’entreprise évitera d’offrir des sièges en dessous de son prix coutant.
Conclusion
Air Transat a encore une marge de manœuvre afin de se sortir de la crise causée par la COVID-19. Mais elle devra faire preuve d’une discipline stricte afin de pouvoir maximiser les profits lorsque ce sera possible. Mais comme bien des compagnies dans le secteur du voyage, une sixième vague lui serait fatale.
*Dans ce texte, le nom Air Transat désigne en fait le groupe Transat A.T. Ce choix est dicté par le fait que l’expression Air Transat attire plus de clics que Transat A.T.
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TAP utilise ses A321 pour Montréal-Lisbonne et non Montréal-Barcelone?
LOL, c’est bel et bien Lisbonne au Portugal et non Barcelone en Espagne. Merci de la la remarque.